samedi 15 mars 2008

De la sarkomania à la sarkophobie - Abbé G. de Tanoüarn

Objections - n°15 - mars 2008 - page 1

De la sarkomania à la sarkophobie - Abbé G. de Tanoüarn

Le président Sarkozy, en plus d’être un homme d'État mondialement connu, à défaut d’être toujours et partout reconnu, est-il devenu un phénomène spirituel, focalisant le mal de vivre de la France d’en bas, les fantasmes bling bling de la France d’en haut, et le besoin de reconnaissance des médias, qui n’ont jamais autant passé les plats, jamais autant servi et desservi qu’en ce début de quinquennat ? Le pouvoir a toujours eu, en France, une dimension symbolique forte, il suffit d’aller à Versailles et de hanter la Galerie des Glaces enfin magnifiquement restaurée pour s’en convaincre. C’est que l’unité nationale, dans un pays tôt divisé entre catholiques et protestants ne va pas de soi. L’autorité, pour être reconnue, est condamnée à se donner à voir, dans toutes sortes de postures, qui pour les étrangers seraient baroques, et qui rassurent notre peuple toujours divisé d’avec lui-même sur sa capacité à exister en tant que peuple. Jamais sans doute le verbe représenter, l’idée de la représentation n’a été menée si loin qu’en France. Le pape Pie X disait déjà, au début du XXe siècle, en pleine guerre des deux France, que les Français sont naturellement monarchistes. Je me suis souvent interrogé sur cette formule. Je crois qu’elle signifie ce besoin éperdu d’une symbolique collective, qui s’incarne dans une idée (la République) mais surtout, parce que c’est tout de même plus naturel, dans un homme.
Nicolas Sarkozy hérite de cette longue tradition. Et d’abord, l’hyperprésident l’habite avec maestria. Il est celui à qui rien n’est impossible. Il a promis, il tiendra sa parole, il fera les réformes que tout le monde attend et il réconciliera la France avec elle-même. C’est l’état de grâce. Nicolas Ier guérit les écrouelles spirituelles de la France. Ne serait-il pas, redivivus, l’enfant du miracle ?
À cette époque, il s’agit des premiers mois du Quinquennat, entre mai et nove m b re, quelques grincheux se hasardent à déplorer le retour d’une monarchie élective. Ils ne sont pas entendus. On attend beaucoup, on attend tout de ce nouveau « sauveur de la France », auquel la France amoureuse chante son Sarkozy nous voilà ! C’est la raison pour laquelle personne ne fait attention à ceux qui craignent une hypertrophie de la représentation, une peopolisation de la vie politique. Enfin il se passe quelque chose ! Ce pays n’est donc pas mort puisqu’il a un président si vivant ! Le concert est tellement unanime qu’on parle de Nicolas Ier comme d’un stratège exceptionnel ; on murmure qu’il a acheté la presse. On voit aujourd’hui, à travers le déchaînement médiatique que l’argent n’avait un rapport que tout à fait ponctuel avec la situation d’adulation collective, de sarkomania, qui a caractérisé les premiers temps. Le problème est que tout le monde y a cru, Sarkozy ou l’American dream en VF. Chacun s’est senti floué quand le magicien a montré qu’il n’avait rien dans son chapeau et que les caisses étaient vides. Je me souviens d’une conférence de presse. Nicolas a été brutal. Il a lui-même rompu le charme sous lequel il tenait la France. Aujourd’hui, elle lui en veut de l’avoir fait rêver.
C’est avant tout parce que Sarkozy a refusé d’être roi, parce qu’il a voulu vivre au vu et au su de tous son propre rêve bling bling qu’il se trouve aujourd’hui en chute libre dans les sondages, selon la formule consacrée. Quant à la France, elle se réveille avec la gueule de bois des lendemains de grands soirs. Qu’est-ce que cela signifie ? Que les idéologies sont mortes, mais que ce pays, au moins dans son ensemble, n’a toujours pas réalisé que la responsabilité se partage autant que la souveraineté. Il continue de croire aux lendemains qui chantent et aux marchands de promesses, pour pouvoir persévérer, tranquille, dans cet individualisme pathologique, dont la France en tout temps a donné l’exemple.
Où l’on voit que le problème politique aujourd’hui en France n’est pas tant un problème technique ou technocratique qu’un problème spirituel. Mgr Anatrella a parlé naguère de société dépressive. Je ne crois pas que les maladies psychiques puissent être collectives. Mais les angoisses et les croyances, le s espérances et les inhibitions, les élans et les blocages, eux, le sont bel et bien. Le mal français dont se gargarisa Peyrefitte est un mal à l’âme. C’est l’âme de la France qu’il faut guérir. Par exemple en lui rappelant ses origines chrétiennes.

D'une église l'autre - Laurent Lineuil

Objections - n°15 - mars 2008 - page 8

D'une église l'autre - Laurent Lineui

Rome, samedi 23 février. Sous les ors de la mosaïque de la basilique Saint-Jean-de-Latran, la cathédrale du pape, les fumées de l’encens montent devant l’autel de l’abside, tandis que Mgr Luigi de Magistris, à quelques pas de la cathèdre pontificale, ordonne diacre, selon la forme extraordinaire du rite romain, quatre séminaristes de l’IBP, deux Français, un Italien et un Polonais. Dans les stalles, Mgr Renato Boccardo, secrétaire général de l’État de la Cité du Vatican, assiste à cette messe qui est sans doute la première à être célébrée solennellement dans le rite traditionnel en ce lieu depuis la réforme liturgique. Comme cela avait été le cas quelques semaines plus tôt pour la première messe de l’abbé René-Sébastien Fournié célébrée à la- Trinité-des-Monts, la présence de l’Institut du Bon-Pasteur à Rome est l’occasion pour les églises de la capitale de la chrétienté de renouer avec leur tradition liturgique. Le lendemain, pour la messe dominicale, ce sera au tour de la magnifique église San Nicola in Carcere où, une fois n’est pas coutume, don Carlo Cecchin célèbre face au peuple, église orientée oblige… Nouveau diacre, c’est le jeune abbé Vincent Baumann, qui s’apprête à rejoindre le Brésil d’ici quelques jours, qui proclame pour la première fois l’Évangile, avec une concentration qui contient l’émotion.
Mais revenons à Saint-Jean-de-Latran. Après les re m e rciements d’usage prononcés à la fin de la cérémonie par l’abbé Philippe Laguérie, supérieur de l’IBP, dont ceux adressés au tout nouveau chanoine de Saint-Jean-de-Latran, Nicolas Sarkozy, et la lecture du mot de remerciement adressé par son cabinet (absurdement, la nouvelle, diffusée par l’agence I-média, deviendra dans le Libé du lundi suivant le signe d’une collusion du Président de la République avec les catholiques traditionalistes…), les nouveaux diacres ont pu recevoir leurs amis présents dans une salle du palais du Vicariat de Rome, adjacent à la basilique, ce palais-même où Nicolas Sarkozy, toujours lui, a prononcé le fameux discours qui fit tant de bruit… La réception de ce jour est plus modeste, mais elle témoigne du parfait accueil fait par le diocèse de Rome à l’IBP, reçu ici en toute cordialité comme l’une des innombrables chapelles de la maison du Père.
Le lendemain soir, à Paris, le contraste était rude, surtout, on l’imagine, pour l’abbé Alexandre Berche, qui après avoir proclamé l’Évangile samedi dans la cathédrale du pape, le faisait à présent dans la petite salle sans fenêtre transformée en chapelle pour les besoins du Centre Saint-Paul, rue Saint-Joseph, dans le deuxième arrondissement de Paris. Une salle trop petite pour les fidèles qui se pressent aux cinq messes dominicales, où la visibilité est souvent problématique, où les fumées de l’encens, faute de place pour s’élever sous les voûtes inexistantes, deviennent vite étouffantes. Et qui coûte, tous les mois que Dieu fait, fort cher en loyer. Pendant ce temps, sur les murs des villes d’Île-de-France, s’étalent les affiches de la nouvelle campagne des diocèses de la région en faveur du denier du culte: « Il y a une église dans ma vie », proclament-elles, afin de persuader les catholiques non-pratiquants de participer aux frais qu’occasionnent les nombreux clochers au coeur de leurs villes et leurs villages, qui font partie de leur environnement culturel aussi bien que religieux. Il y a une église dans ma vie ? Oui, bien sûr, et même plusieurs. Mais en attendant, mon denier du culte sert à louer, à fonds perdus, une petite salle inconfortable, au lieu d’aider à faire vivre une de ces belles églises dont notre pays est si riche. Sans aller jusqu’à rêver des fastes de Saint-Jean-de-Latran, il doit bien exister, à Paris, une église sommeillante, modeste peut-être, mais une église véritable, qui puisse accueillir une paroisse personnelle de l’IBP… Alors, les 1 600 Parisiens qui ont signé une demande en ce sens au cardinal Vingt-Trois , pourraient dire, sans avoir à jouer avec les mots : « Il y a une église dans ma vie ». Et se sentir autant chez eux à Paris qu’à Rome.

vendredi 15 février 2008

Le “génie” de la Révolution française - Abbé G. de Tanoüarn

Le “génie” de la Révolution française - Abbé G. de Tanoüarn

L’éditeur est à la recherche d’un bon coup éditorial. Il n’a pas d’œillères. Aucun parti pris. Sa qualité d’ecclésiastique (et je dirais plus précisément de dominicain) lui confère une liberté intérieure, peu commune par les temps qui courent. Après une conversation avec un de ses auteurs et amis sur les mythes politiques, parfois sanglants, qui donnent à l’histoire de France ce petit côté surréaliste que vous ne trouvez nulle part ailleurs dans le monde, ni une ni deux, le Père Escande se décide (c’était il y a deux ans) : il lance l’idée d’un Livre noir de la Révolution française. Seulement voilà : il ne s’agit plus d’un simple coup éditorial. Lorsqu’on se donne consciemment comme modèle Le Livre noir du communisme, lorsqu’on se propose comme premier objectif de travailler avec Stéphane Courtois, le responsable de l’élaboration du Livre noir du communisme, publié en 1997 et tiré à 1 million d’exemplaires, on se lance dans une véritable aventure intellectuelle. Le Père Escande est prêt. Il groupe autour de son idée un collectif. Première originalité : il n’y aura pas que des historiens. La Révolution française est aussi, pour nous, un événement contemporain, qui vaut à la fois par l’historiographie abondante qu’il a suscitée et par les critiques qu’il ne cesse de générer, critiques positives, critiques négatives, mais évidemment un Livre noir portera davantage sur le négatif.

D’abord les faits. Ensuite la réflexion sur les faits. Cette deuxième partie du Livre noir est la plus audacieuse. D’un peu partout aujourd’hui que le succès est acquis avant même la sortie en librairie (31 janvier), de multiples demandes affluent déjà chez l’éditeur : il faudrait plus ! Les 800 pages du premier Livre noir ne sont pas suffisantes, parce qu’il y a deux idées en une : il faut revenir sur les faits ; et il faut décrire encore le “génie” de la Révolution française. Philippe Murray avait écrit « Le XIXe siècle à travers les âges », on devrait réaliser « La Révolution française à travers les âges ». François Furet, étudiant Edgard Quinet, Alexis de Tocqueville, Augustin Cochin, avait commencé magistralement ce travail. Mais François Furet était un solitaire. Précocement disparu, il ne laisse pas de vrais disciples. Le Père Escande reprend le flambeau. Il a officialisé cette perspective, qui était celle de Furet, en en faisant un objet d’études pour la communauté scientifique tout entière. C’est, je crois, la Révolution intellectuelle que porte ce Livre noir, cette manière de considérer la Révolution française comme un objet transgénérationnel.

Conséquence logique : l’histoire n’est plus la seule matière sollicitée. On trouve aussi dans ce Livre noir l’histoire des idées et l’anthropologie. Témoin, ce curieux article du Frère Pothin, dominicain, sur la Révolution, sa devise – liberté, égalité, fraternité – et son rapport au père. Au père absent. Au père dont on a voté la mort. Ernest Renan disait déjà : « En coupant la tête à Louis XVI, la Révolution a guillotiné tous les pères de famille » – au moins sous le rapport de leur paternité. Le même Renan, cité par Dominique Paoli, est plus précis encore ailleurs : « Avec leur mesquine conception de la famille et de la propriété, ceux qui liquidèrent si tristement la banqueroute de la Révolution préparaient un monde de pygmées et de révoltés ».

Le meurtre public du père a produit une carence de légitimité politique, qui est spécifiquement française. Comme est spécifiquement française l’hypertrophie compensatoire du langage qui se substitue à la réalité et « réclame l’effacement du sujet dans la constitution du champ politique », comme l’explique un autre dominicain, Renaud Silly dans son bel article sur « Taine, historien de la Révolution française ».

Plus que jamais, dans notre individualisme débridé, nous vivons l’effacement du sujet, la carence de démocratie réelle, c’est-à-dire le triomphe inconditionnel de toutes les technostructures, seules aptes à porter, dans leur muette et inexorable puissance, cette Infaillibilité que s’est donné jadis la République, coupeuse de têtes et conquérante de terres.

Il n’y a plus de têtes coupées, mais il reste le Mythe. De Gaulle avait tenté d’inventer le souverain républicain, pour incarner le Mythe. Mais toute autorité personnelle tend à disparaître. Le président de la République en est réduit à faire la Une de la presse people pour exister, comme une vulgaire Reine d’Angleterre.

Que reste-t-il ? L’idée, qu’elle soit européenne ou mondialiste. Depuis 1789, la France se vit comme l’idée de la France. Tel est le “génie” de la Révolution. Mais gare à l’idéocratie !

Aimez-vous l’omelette norvégienne ? - Abbé G. de Tanoüarn

Aimez-vous l’omelette norvégienne ? - Abbé G. de Tanoüarn

À l’heure où se multiplient les vrais faux bruits d’un rapprochement entre Rome et la Fraternité Saint Pie X, l’abbé Patrick de La Rocque, ancien patron de la Lettre à nos frères prêtres, propose une analyse de l’encyclique de Benoît XVI Spe salvi. Une occasion pour nous de pénétrer dans l’encyclique sans effraction. « La réponse donnée par l’encyclique est des plus décevantes, parce qu’elle ne reprend pas à son compte la nature de l’espérance chrétienne » ne craint pas d’écrire Patrick de La Rocque d’entrée de jeu. Avantage : le lecteur sait immédiatement à quoi s’en tenir. Oh ! pas tant sur l’encyclique : 120 pages sur 50 longs paragraphes, ça mérite une analyse plus fouillée. Le lecteur sait à quoi s’en tenir sur les sentiments qu’éprouve l’abbé à la lecture de l’encyclique. Avec de tels procédés, impossible d’être déçu par cet article : on sait où on va ! Vous n’avez pas compris ? « Benoît XVI n’a pas estimé pouvoir s’appuyer sur la foi de ses lecteurs pour leur enseigner le contenu et le motif de l’espérance chrétienne ». Et d’enfoncer le clou : « Aussi Benoît XVI cherche-t-il simplement à éveiller chez ses lecteurs leur dimension spirituelle, utilisant pour cela une dimension philosophique ». L’abbé de La Rocque estime donc que Benoît XVI fait de la philosophie et que cet “éveil de la spiritualité” aurait pu concerner des élèves de Terminale, préparant le bachot, mais pas des catholiques, assoiffés de théologie.

Saint Bernard et saint Paul contredits

Nous sommes tout près du poncif. Si vous en restez à cet article attrapé par hasard sur la Porte Latine, vous maudissez le professeur devenu pape et qui n’a pas compris qu’il n’était plus enseignant mais Pasteur. Mais si, par hasard, vous ouvrez l’encyclique (vous pouvez la commander au Centre Saint Paul pour le prix de 5 euros franco), alors votre indignation se fige. C’est la stupéfaction qui la remplace. Vous vous demandez si l’abbé a eu le même texte que vous.

En effet, dès les premiers paragraphes, Benoît XVI insiste sur la célèbre formule de l’Épître aux Hébreux : « La foi est la substance de ce que l’on espère ». Il ne faut pas avoir fait beaucoup de théologie pour comprendre que saint Paul nous explique : foi et espérance même combat. L’espérance au fond n’est rien d’autre que la foi devenue substantielle, la foi devenue réelle, la foi à l’épreuve du temps qui passe, la foi informant concrètement une vie d’homme. Attention, précise Benoît XVI, dans la plus pure tradition catholique, il ne s’agit pas seulement de chercher un sens, de trouver un élan, d’avoir sous la main une justification a posteriori de son existence. Tout cela sent l’élaboration secondaire, dirait le psychanalyste du coin de la rue. C’est du réchauffé. Le pape ne nous offre pas la vie en réchauffé, il ne nous propose pas une nième élaboration secondaire. Il nous explique que l’espérance nous transforme, qu’elle change jusqu’à notre être même. Là encore, on se demande si l’abbé a lu le même texte : « La possibilité de l’accès à l’être n’étant plus souligné, seule l’expérience de Dieu devient le fondement de l’agir droit ». La possibilité de l’accès à l’être se trouve pourtant soulignée par le pape et le zoïle, tout à sa querelle, n’a pas vu le soulignement pontifical. Voici ce qu’écrit Benoît XVI, commentant l’expression de saint Paul que nous venons de citer : « A Luther, pour qui la Lettre aux Hébreux n’était pas très sympathique, le concept de substance, dans le contexte de sa vision de foi, ne disait rien. C’est pourquoi il comprit le terme substance non dans le sens objectif d’une réalité présente en nous, mais dans le sens subjectif, comme expression d’une expérience (…) : une disposition du sujet. Cette interprétation s’est affermie même dans l’exégèse catholique… »
Et de contester la traduction proposée par la Bible œcuménique en langue allemande, qui se contente d’exprimer une espérance toute subjective. « La foi, écrit le pape, n’est pas seulement une tension personnelle vers les biens qui doivent venir mais qui sont encore absents. Elle nous donne quelque chose. Elle nous donne déjà maintenant quelque chose de la réalité attendue ». N’est-ce donc pas « la possibilité de l’accès à l’être », ce don de quelque chose qui est quelque chose de divin ? N’est-ce pas, sans le nom certes, la manifestation même du surnaturel divin, ce surnaturel que la théologie appelle justement (il n’y a pas de hasard) surnaturel quoad substantiam et que le catéchisme nomme la grâce sanctifiante ?

Pourquoi faut-il qu’on ait l’impression que l’abbé cherche la petite bête ? Et pourquoi laisse-t-il voir avec tant de maladresse qu’il ne l’a pas trouvée, qu’il a attrapé une ombre, qu’il s’est – gravement – mépris sur le sens théologique de l’encyclique ?

Et ce qu’il nous dit ensuite sur la rédemption, en laquelle le pape ne croirait pas, n’est-ce pas tellement énorme que – chat échaudé craint l’eau froide – on n’y croit pas, on n’y croit plus. Cette fois, alors que le pape parle magnifiquement de la compassion du Christ pour les hommes, citant du reste un texte de saint Bernard, le zoïle, s’abstenant de mentionner Clairvaux, récuse cette compassion du Christ, au motif que cette compassion « ne serait pas efficace » : « Quand je viens visiter un malade, j’apporte mon petit rayon de soleil. Mais puis-je pour autant me proclamer sauveur de ce malade ? » demande l’abbé. Curieuse question pour un prêtre ! Lorsque par compassion pour le malade, je lui apporte le pardon de Dieu (la confession) et la sainte communion, je puis me dire corédempteur de ce malade. Lorsque le Christ souffre par compassion pour nous, sa souffrance n’est pas simplement humaine, elle est divinement efficace.

Est-il interdit de parler, à ce sujet, de compassion du Christ ? Mais alors ce n’est pas seulement saint Bernard qu’il faudrait contredire mais saint Paul lui-même : « Il a fallu que le Christ, en tout semblable à ses frères, fût un pontife compatissant, car c’est des peines et des souffrances mêmes par lesquelles il a été tenté et éprouvé qu’il tire la vertu et la force de secourir ceux qui sont ainsi tentés » (Hebr. II, 18). Pontife compatissant ? Ainsi Lemaistre de Sacy, avec une grande sûreté, traduit-il l’adjectif miséricordieux du texte originel. C’est que la miséricorde du Christ n’est pas seulement divine ; elle est humaine, et en cela vraiment compatissante…

L’événement - La nouvelle-nouvelle Messe des dominicains bataves - Daniel Hamiche



L’événement - La nouvelle-nouvelle Messe des dominicains bataves - Daniel Hamiche


Le Royaume des Pays-Bas compte 4,3 millions de sujets catholiques – sans compter les sujets de mécontentement… Le dernier en date que nous fournit le catholicisme néerlandais – qui n’en fut pas chiche depuis un demi-siècle : souvenons-nous du funeste Catéchisme – se présente sous la forme d’un rapport intitulé Kerk en Ambt (Église et Ministère), œuvre de quatre théologiens dominicains de la province des Pays-Bas.

Ce texte, qui a été rendu public le 1er septembre 2007, et diffusé directement – par-dessus la tête des évêques… – aux quelque 1 400 paroisses des sept diocèses néerlandais, n’est pas un texte spontané de quelques dominicains en proie à un prurit textuel, mais une commande du chapitre de cette province, qui s’est tenu en juin 2005. Une grave question y fut débattue : « La célébration de l’Eucharistie dépend-elle du ministère d’hommes ordonnés ou est-il possible que la communauté ecclésiale ou les pasteurs qu’elle a nommés célèbrent eux-mêmes l’Eucharistie ? ». Le rapport commandé fut rédigé, transmis au provincial et à son conseil, puis approuvé par ces derniers le 11 janvier 2007.

Ce texte part du constat de la diminution dramatique du nombre de prêtres aux Pays-Bas sans en expliquer les causes. Quant aux chiffres voici ceux que j’ai pu réunir : ordinations sacerdotales en 1960 : 318 ; en 1977 : 16 ; en 2005 : 3 ! En quarante ans, 100 fois moins ! L’après Concile voit 2 000 prêtres abandonner le ministère ou réduits à l’état laïc. L’après Concile voit encore les 50 petits séminaires supprimés, les 7 séminaires diocésains regroupés en 5 Instituts de Théologie aux mains des pires dissidents, qui ne sont que des « avortoirs de vocations sacerdotales » (P. J. Bots, s.j.). On compte aujourd’hui à peine 500 prêtres diocésains en activité. Les “missalisants” sont moins de 300 000. Le nombre de Messes dominicales chute : 2 200 en 2002, 1 900 en 2004, tandis que les “adap” progressent : de 550 à 630 en ces mêmes années.

Devant une telle catastrophe, que suggèrent les dominicains ? Trois propositions qu’ils « pressent les paroisses de mettre en œuvre » :
1°) ceux qui président l’Eucharistie (traduisons : qui célèbrent la Messe) doivent pouvoir être élus par la « base » (les fidèles) et non être désignés par le « haut » (l’évêque) ;
2°) « prononcer [les] paroles [de la Consécration] n’est pas une prérogative réservée au prêtre [car] de telles paroles constituent l’expression consciente de la foi de la communauté tout entière » ;
3°) présider la célébration de la messe relève, par conséquent, du choix de la communauté : « Peu importe que ce soit un homme ou une femme, un homosexuel ou un hétérosexuel, une personne mariée ou un célibataire » ; si l’évêque donne son consentement : tant mieux ; s’il le refuse : tant pis…

En matière d’insolence vis-à-vis des évêques et de désobéissance envers la doctrine et la discipline catholiques, difficile de faire mieux que ces dominicains. Un rappel à l’ordre s’imposait. Le timide épiscopat néerlandais – il faut dire qu’il est depuis longtemps impotent, par faiblesse ou connivence envers les dissidents – en a appelé à la Congrégation pour la doctrine de la Foi qui a préféré laisser au Maître général des dominicains, le fr. Carlos Azpiroz Costa, le soin de faire le ménage. Ce qui s’est traduit par la commande d’un rapport au dominicain français Hervé Legrand [voir article ci-dessous] publié dans La Croix du 24 janvier et sur le site des frères prêcheurs deux jours plus tard. La position schismatique des dominicains est dénoncée mais « leur cri d’alarme » justifié, certaines de leurs suggestions défendues… mais les causes de la crise prudemment esquivées !

Peut mieux faire ! - On n’a pas fini de rire. Ou de pleurer… - DH

Peut mieux faire ! - On n’a pas fini de rire. Ou de pleurer… - DH

Un bon communiste vous le dira : dans un procès visant à éliminer un militant qui gêne, rien ne vaut de le faire instruire par son plus proche camarade… C’est à se demander si l’ordre des frères prêcheurs na pas été inspiré par ce principe bolchevique en demandant au dominicain Hervé Legrand de se livrer à une « lecture ecclésiologique » de Kerk en Ambt

Le théologien Hervé Legrand, professeur honoraire à l’Institut Catholique de Paris, grand admirateur du cardinal Martini, se livre, dans sa critique gênée des délires de ses confrères néerlandais, à un brillant numéro d’équilibriste. Comment condamner leurs hérésies tout en laissant entendre qu’elles n’en sont pas – ou qu’elles pourraient ne plus l’être dans dix ou vingt ans ? C’est intellectuellement malhonnête, mais fichtrement habile. Pas au point, toutefois, de nous faire prendre des vessies pour des lanternes.

Au fond, ce que le P. Legrand reproche aux dominicains bataves c’est d’être allé trop loin et trop vite et, par leurs excès, d’éloigner « ainsi la possibilité réelle d’ordonner des chrétiens mariés ». Car le P. Legrand est pour qu’on en finisse avec ce « handicap ». Il n’est pas davantage hostile à l’ordination des femmes, mais contre « la centralisation actuelle excessive » de l’Église – son modèle “ecclésiologique” est celui du cardinal Kasper, le seul prélat romain qu’il cite dans son rapport, et non celui du pape Ratzinger – et contre les « positions si rigides de l’Église » sur la contraception…

Golias tombe à bras raccourcis sur le P. Legrand, pourtant de « sensibilité si ouverte », chargé de cette « commande doctrinale que certains de ses écrits dans ce domaine [dont Golias annonce la parution prochaine] contredisent magistralement la thèse de son présent rapport ».

Observer le gang modernisto-progressiste s’entre-déchirer est un fin et raffiné plaisir de gourmet…

C’est à lire - Edith Stein ou le culte de Moix - Joël Prieur

C’est à lire - Edith Stein ou le culte de Moix - Joël Prieur

Un aérolithe. Un objet littéraire non identifié. Le dernier livre de Yann Moix sur Edith Stein, a quelque chose d'irréel. Privilège de la littérature, ce pouvoir de... tout dire ! On se souvient de Podium, ce livre puis ce film à succès, consacré à Claude François, à sa légende, aux Claudettes et aux sosies du chanteur. Il n'est pas donné à tout le monde de chanter Alexandra sur le même rythme, avec la même gestuelle et des Claudettes aussi efficaces, que l'original, Claude François. Inoubliable bataille des sosies !

On a de la peine à se dire en lisant Mort et vie d'Edith Stein qu'il s'agit bien du même auteur, Moix lui-même. Plus de strass, plus de paillettes, plus de Claudettes. La jeune fille dont il nous parle est une philosophe. Elle ne cherche pas à faire illusion ou à ressembler à qui que ce soit. Juive, athée, elle cherche la vérité, rien de moins ! Et on sent à chaque page, que cette vérité, il n'y a pas qu'elle qui la cherche. Le lecteur est sommé de s'y intéresser aussi, et en quels termes ! Moix néophyte vomit les tièdes. Il entend bien faire partager sa nouvelle passion : « Hé, lecteur ! Tu as fait quoi de ta vie ? Je sais que tu triches, que tu n'es pas très sincère. Que tu (te) mens. Tu ne sais pas que faire de tes journées, tu as peur de rester tout seul chez toi. Tu trembles peureux, et je sais que : tu as peur de la peur. Vaguement tu déprimes. Tu te promènes, tu fais des “achats”, tu te trémousses dans quelques lits, avec des corps frôlés : tu jouis, hop, hop (c'est fait, arrrgh). Tu te fais croire parfois, devant une feuille blanche, que toi aussi tu as des idées, que toi aussi tu es un gros malin, que tu as des choses politiques, thermodynamiques, poétiques, philosophiques à dire. Tu prends des notes. Tu écris ton journal. Tu confies des choses à ton blog. Ça pour bloguer, tu blogues. Tu dois pas prier des masses, tel que je te connais (je ne te jette pas la pierre, je ne prie pas non plus). Je voudrais que pour une fois tu t'intéresses à une sainte : que tu te passionnes pour : Edith Stein ».

J'ai voulu consigner intégralement ce morceau de bravoure, parce qu'il résume bien l'ambition de Moix et la manière dont il la réalise. Le style. On reconnaît les “deux-points” qui rythment cet avertissement au lecteur, comme un tic particulier à l'auteur. Une manière de souligner, sans trop s'en donner l'air, ce qui est vraiment important. Une façon d'attirer l'attention. Pas pour frimer, pour convaincre. Pour toucher, pour atteindre le lecteur, et son esprit embrumé : « Nous avons besoin de savoir, et nous n'avons besoin que de savoir ». Certains critiques (catholiques bien sûr) se laissent aller à dire : Moix ? Il a fait Edith Stein pour les nuls. Et de nous conseiller de gros livres ennuyeux où l'on trouvera sans doute, après de longs efforts archéologiques, le vrai visage de celle qui est devenue sœur Bénédicte de la Croix, sans jamais cesser d'être l'élève préférée du philosophe Husserl. Il en a lu des biographies de son héroïne, Moix. Aussi bien ce n'est pas une bio qu'il nous propose. Et la raison qu'il donne vous fera comprendre qu'il va beaucoup plus loin que les bios pour les nuls et que les nuls qui se contentent des bios. Pour lui, Edith Stein est : éternelle. Cette jeune fille absolument normale, dont il ne nous épargne pas les pulsions sexuelles, dont il nous dit que, comme toutes les filles de son âge « elle n'était que corps », il nous la montre autrement, au bout de son parcours : transformée. Changée. Portant jusque dans sa conversion, portant dans son martyre à Auschwitz quelque chose du secret de son peuple. Rimbaud l'a dit en vers inoubliables : « Elle est retrouvée Quoi ? L'éternité. C'est la mer allée, avec le soleil ». Le poète est allé trouver l'éternité en Abyssinie. Mais le soleil de Yann Moix est à Auschwitz. Tel est le sacré pouvoir de la littérature !

Je n'aimais pas Edith Stein, je la trouvais allemande, pédante, toujours embarrassée de mots. Mais il faut bien reconnaître à Yann Moix son coup de foudre. Décidément oui : il est crédible !

Yann Moix, Mort et vie d'Edith Stein, Grasset, 2007, 196 pp., 14,90 euros

Facta sunt

Facta sunt
  • Le pape empêché de se rendre à La Sapienza de Rome, est-ce un échec ? Une fois de plus Benoît XVI, en se contentant d’envoyer une version écrite de son discours à l’Université de Rome parce qu’une poignée de gauchistes ne souhaitait pas sa venue, a joué fin. Et il a gagné ! Il s’est victimisé aux yeux de tous, recevant les excuses du Président de la République italienne, l’ex-communiste Giorgio Napolitano. Quant à Romano Prodi, le président du Conseil de Centre gauche, il a assuré le pape de « son affection » en déplorant « l’intolérance » des agitateurs laïcistes. Que pesaient les quelques centaines de manifestants de La Sapienza (une université qui compte 130 000 étudiants), face aux 200 000 catholiques rassemblés au même moment en protestation pour soutenir leur pape, sur la Place Saint-Pierre ?
  • Le pape, dos au peuple, célébrant la messe en italien à la Chapelle Sixtine, cette image aura suffi à provoquer de nombreux commentaires divergents. C’est à l’occasion de la célébration de 13 baptêmes, dans un contexte de forte diminution du nombre des baptisés en Italie, que le pape a célébré ainsi. En Europe occidentale, les épiscopats se sont employés à minimiser ce geste, qui a été très commenté par les orthodoxes en particulier en… Russie, où les autorités religieuses ont vu dans cette image qu’a voulu donner le Successeur de Pierre, un signe de retour à la Tradition apostolique ! On peut se demander s’il n’y a pas là avant tout un signe du sens de l’humour de Benoît XVI…
  • Un évêque assyrien résidant aux États Unis, Mar Bawai Soro, a demandé son rattachement à Rome avec tous ses prêtres et ses fidèles. L’Église assyrienne, présente en Irak, est une Église nestorienne (ne reconnaissant ni le concile d’Éphèse en 431, ni le concile de Chalcédoine en 455), dont la liturgie, antique, est en araméen, la langue du Christ. Il faut noter que depuis le XVIe siècle, de nombreux Assyriens se sont rattachés à Rome, ce sont les Chaldéens catholiques, qui ont la même liturgie que leurs cousins non ralliés. Il ne serait pas étonnant d’assister à d’autres demandes de ce type de la part de chrétientés anté-chalcédoniennes, de plus en plus isolées. Loin d’apparaître comme un repoussoir à cette forme d’œcuménisme qui réussit, la rigueur théologique du pape régnant apparaît comme une garantie pour tous.
  • Les scouts d’Europe crossés par Rome parce qu’ils avaient publié leur volonté de ne pas appliquer le Motu proprio Summorum pontificum (cf. Objections n° 12). Ils ont récemment reçu une lettre du cardinal Castrillon, leur enjoignant d’avoir à le faire. « L’AGSE (Association Générale des Scouts d’Europe) a toujours montré une grande fidélité et un esprit d’obéissance à l’Église. Nous allons, bien entendu, prendre en compte cette lettre et examiner les conséquences qu’elle entraîne » ont déclaré sur le Forum de l’association les deux Commissaires généraux Marie-Hélène Morel et Jean-Michel Permingeat.
  • Le 2 avril prochain, on célébrera le quarantième anniversaire de la première apparition de la Vierge Marie à Zeitoum dans la banlieue du Caire en Égypte. Ces apparitions silencieuses ont eu lieu durant toute l’année 1968. La Vierge s’est montrée à des dizaines de milliers de personnes, au-dessus de l’église copte de l’endroit. Musulmans et catholiques ont pu la voir chaque soir, seule ou accompagnée de Joseph avec l’enfant Jésus. On sait que l’Égypte voue un culte particulier à la sainte Famille. À noter le pèlerinage organisé là-bas par le docteur Doublier Villette et les Croisés du Sacré Cœur, du 3 au 16 avril prochain.
  • Mgr Malcom Ranjith, secrétaire de la Congrégation pour le Culte divin récidive. Il stigmatise le refus d’obéissance au Motu proprio et dénonce l’attitude de certains évêques qui se croient au-dessus du successeur de Pierre et refusent ou dévoient le contenu et l’intention du Motu proprio au sujet du missel de Jean XXIII.
    L'attitude d'« autonomie » montrée « parmi quelques ecclésiastiques », mais également « dans les plus hauts rangs de l'Église » ne correspond certainement pas « à la noble mission que le Christ a confiée à son Vicaire, le Pape », affirme l'archevêque dans un entretien à Fides, l'agence de presse de la Congrégation pour l'évangélisation des peuples.
    « Nous redoutions cette attitude de certains qui, de toute évidence, sont très engagés dans le progressisme ; ce n’est pas qu’ils soient radicalement opposés à cette décision du pape pour elle-même mais bien parce qu’elle induit l’incitation à réformer une pastorale qui fleure bon l’apostasie tranquille. Il est évident que ce document qui est un acte de charité envers ceux qui ont une sensibilité conservatrice appuyée, introduit un inévitable examen de conscience au cœur même de l’Église. La liturgie est intimement liée à la pastorale ».
    Mgr Albert Malcolm Ranjith, critique la désobéissance de certains évêques envers le Pape Benoît XVI pour la récente publication du Motu Proprio qui a libéralisé la messe préconciliaire (la soi-disant messe en latin) et réaffirme son « non » aux « danses », « instruments musicaux », « chants» mais même « certaines homélies de caractère politico-social (…) Nous avons récemment appris que des instructions liturgiques, sous prétexte d’adaptation aux enfants, se situent radicalement à l’opposé des directives de Rome et de ses interdits. Ces dispositions ne sont pas toujours le fait d’évêques qui sont confrontés à une désobéissance radicale de certains prêtres. Ces prêtres sont, soit très infortunés dans leur formation initiale, soit qu’ils ont été influencés par des détournements idéologiques dans lesquels ils ont noyé leur conscience au point d’avoir perdu le sens même de leur sacerdoce (…) D’autres prêtres enfin, par faiblesse de caractère ou par confort, se laissent commander par des laïcs incompétents, à la prétention enfantine ; parmi ceux-ci, les plus décidés et les plus dangereux veulent demeurer à un poste de responsabilités sans lequel ils n’auraient pas le sentiment d’exister. Ils font porter à l’Église une charge terrible et se mettent eux-mêmes dans la perspective de perdre leur salut. Nous avons vu certains de ces laïcs engagés dans l’Église préférer détruire une activité pastorale qui produisait d’excellents fruits plutôt que de ne plus pouvoir la contrôler, ces faits se sont produits dans mon diocèse ».
  • « Il est possible que nous nous soyons trompés ». Voilà ce que Christopher Bronk Ramsey, directeur de l’accélérateur radiocarbone d’Oxford, vient de déclarer dans une interview à la BBC, selon le quotidien italien La Stampa du 26 janvier, à propos des résultats de l’expertise au Carbonne 14 concernant l’âge du Linceul de Turin (datés en 1988 par les « scientifiques » comme remontant à une fourchette s’étalant de 1260 à 1390 après Jésus). Il se trouve que c’était précisément son institut, ainsi que des laboratoires C14 de Zürich (Suisse) et de Tucson (USA), qui, sous la direction de son prédécesseur, avaient conclu à la non-authenticité de cette Relique conservée et vénérée par l’Église depuis de nombreux siècles. À l’époque, ce verdict négatif avait troublé de nombreuses personnes. Selon Mgr Giuseppe Ghiberti, président de la commission vaticane pour le Linceul de Turin s’exprimant dans le quotidien catholique L’Avvenire du même 26 janvier, Ramsey reconnaît aujourd’hui que la méthode du C14 n’est pas applicable au Linceul de Turin en raison des circonstances très mouvementées de son voyage à travers les siècles et les pays, voyage qui en a modifié les caractéristiques chimiques et autres. Mgr Ghiberti a notamment précisé que ce tissu ne nous serait pas parvenu au début du XIXe siècle « dans un conteneur scellé ». Ramsey, pour défendre son Institut, déclare qu’en 1988 les « scientifiques » n’auraient pas pris vraiment connaissance de l’histoire mouvementée du Linceul (!). Deuxième élément d’explication : les instituts auraient probablement focalisé leurs recherches sur des matières organiques, qui ne faisaient pas partie du Linceul original (UNEC).

L’humeur - Nos enfants livrés aux frustrés ! - Pierre Voisin

L’humeur - Nos enfants livrés aux frustrés ! - Pierre Voisin

L’expo « Zizi Sexuel » est une nouvelle offensive de perversion de l’enfance organisée par des débris de Mai 68, avec la bénédiction de l’Éducation nationale et dans le silence assourdissant du catholicisme institutionnel.

Le titre annonce le contenu : de l’humour à trois sous et des expériences aussi pédagogiques que le « zizi-piquet » (l’enfant appuie sur une pédale pour faire lever le sexe d’un mannequin), l’« orgue à odeurs » (répand de mauvaises odeurs corporelles) ou la « ola des capotes » (on gonfle des préservatifs en appuyant sur un bouton)… Certaines activités sont plus équivoques : dans un endroit interdit aux parents (pour préserver la pudeur des gamins !), les petits visiteurs apprennent que la masturbation leur permettra de mieux connaître leur corps, ou que l’homosexualité doit être placée sur le même plan que l’hétérosexualité… L’ensemble de l’exposition est inspiré par le Guide du Zizi sexuel, publié par Hélène Bruller et le dessinateur Zep, dont le personnage, Titeuf, est omniprésent sur le parcours.

Rappelons que ces « informations » s’adressent à un public de gamins, dont les plus jeunes sont scolarisés en CM1 ! Les écoles sont conviées par la Cité des Sciences et le ministère de la Jeunesse et des Sports – avec la bénédiction de l’Éducation nationale – à emmener leurs élèves voir l’expo. 600 classes s’y seraient déjà rendues.

On aurait pu s’attendre à ce que les associations familiales catholiques protestent, à ce que les responsables de l’enseignement catholiques émettent une mise en garde, voire à ce que l’évêché de Paris s’indigne de cette souillure infligée aux enfants. Tous sont restés d’une discrétion de rosière. La seule riposte est venue de l’association SOS-Éducation, qui a lancé une pétition pour exiger que les parents soient informés par les écoles avant d’autoriser leurs jeunes à se rendre à l’exposition, et qui a monté un Comité local présidé par Élisabeth Pila, mère de quatre enfants.

« Il faut cesser de prendre nos enfants pour des idiots », nous explique cette dernière. « Ils sont capables de recevoir une information sur la sexualité qui ne se résume pas à des plaisanteries graveleuses. Il appartient d’ailleurs aux parents de la leur délivrer, en fonction de leur caractère et de leur sensibilité. Or, le personnage de Titeuf, auquel les enfants sont appelés à s’identifier, présente le monde des adultes, y compris en matière de sexualité, comme “dégueulasse”. Curieuse approche, pour des organisateurs qui se veulent “libérés“ » ! Et les enfants que l’on croise sur le parcours de l’exposition trouvent effectivement ça « dégoûtant ». Comment pourrait-il en aller autrement, puisque la sexualité n’y est jamais liée à l’amour – tout au plus à un sentiment né du désir : « Il est mignon… » Elle semble donc se ramener à un simple mécanisme, expliqué à grand renfort de dessins crados et de commentaires à l’avenant : « La fente de la fille se mouille et le zizi du garçon devient dur comme un piquet… ». Les ados de 14 ans hausseront les épaules et les petits de 9 ans seront inquiets.

Qu’avaient donc en tête les organisateurs du « Zizi Sexuel » en préparant cette exposition ? Leur porte-parole, aperçue sur le plateau de télévision du lamentablissime Paul Amar, paraît sortie d’un album de Claire Brétécher, la créatrice des Frustrés. Est-il vraiment nécessaire de confier l’éducation sexuelle de nos enfants aux derniers naufragés de mai 68 ?

C’est eux qui le disent…

C’est eux qui le disent…
  • De France Catholique (16 janvier), sous la plume de Gérard Leclerc, ce compte rendu des Notes, prises au jour le jour par le Père de Lubac pendant le Concile et enfin éditées : «Le Père de Lubac est singulièrement monté contre l’épiscopat français. Sans être une découverte totale pour moi, c’est quand même une donnée dont je n’avais pas suffisamment pris conscience et qu’explique le cheminement chaotique de l’Église de France dans la période post-conciliaire. Notre théologien découvre que nos évêques sont conseillés par des esprits faibles ou carrément déviants. Mais du coup, c’est la pastorale française dans son ensemble, avec l’évolution générale de l’Action Catholique qu’il met en cause avec sévérité. A certains moments, le si aimable Père de Lubac devient cinglant, presque plus qu’il ne l’avait été à l’égard des intégristes qui l’avaient tellement persécuté (…) Du coup notre observateur prend conscience a posteriori de la véritable portée de la résistance intégriste à tout renouveau théologique ». Fermez le ban ! Le Père de Lubac a ici tous les droits !
  • À propos de la chute de Nicolas Sarkozy dans les sondages, de Nicolas Domenach dans Marianne (19 janvier) : « Le Président veut être heureux comme tout le monde. Mais il n’est pas tout le monde, justement. Il est le monarque républicain, dont la gravité, jusqu’ici exigée, ne signifie pas seulement une nécessaire majesté, mais une prise en compte et en charge des souffrances de son peuple ». Nostalgie quand tu nous tiens !
  • Sur la légitimité d’une pluralité de rites dans l’Église, Mgr Nicolas Bux, consulteur du Saint-Office à Rome, déclare à l’abbé Claude Barthe dans L’Homme Nouveau (2 février) : « L’unité catholique s’exprime proprement à travers la complémentarité des diverses formes rituelles », manière de dire qu’aucun rite ne peut se déclarer critère de communion dans l’Église.

L’entretien du mois - Au nom de l’innocence

L’entretien du mois - Au nom de l’innocence

Homayra Sellier, quinqua flamboyante, a décidé de consacrer son énergie à réparer et à prévenir les dégâts de ce qu’elle n’appelle plus la pédophilie mais la pédocriminalité. Elle se bat au nom de l’innocence !


Vous dirigez une association internationale « Innocence en danger ». Croyez-vous vraiment que la pédophilie est un danger qui n’est pas marginal mais menace aujourd’hui potentiellement tous les enfants ? Avez-vous des chiffres ? Quel est le pourcentage d’incestes dans les délits de pédophilie ?
Non le phénomène n’est pas marginal. Certes il n’existe pas d’enquête précise en France sur ce sujet, mais aux États-Unis, au Canada, en Grande-Bretagne, on parle d’un enfant sur cinq sollicité sur Internet. Certaines enquêtes descendent même à un enfant sur trois, il me semble que là c’est exagéré, mais cela donne une tendance. Attention, je ne suis pas contre Internet. La Toile est le reflet de ce que nous sommes. Je vous invite simplement, si vous êtes incrédule sur ce danger social de la pédocriminalité et des cyberpédophiles, à faire une expérience : mettez-vous sur des sites de tchat ou de communication comme Skype, et présentez-vous en tant que mineur isolé, malheureux ou fragile, et vous verrez si vous n’êtes pas abordé par un monsieur qui, sans même cacher son âge, vous entraînera vite dans des questions sexuelles. Il faut savoir qu’aujourd’hui 87 % des jeunes de moins de 17 ans sont familiarisés avec Internet. Cela touche donc potentiellement toute cette tranche d’âge. Quant à ce que vous dites de l’inceste, il est vrai que le nombre des violences intrafamiliales est très élevé, violence pas seulement sexuelle d’ailleurs. On donne le chiffre de 50 %. Cela n’empêche pas qu’il y ait cumul et que des violences intrafamiliales ne débouchent sur la publication de photos sur Internet ou sur une exploitation par des réseaux de pédocriminalité.
À quelle occasion avez-vous créé cette association internationale qu’est l’association Innocence en danger ?
Ce fut en 1999 le démantèlement du plus important réseau de cybercriminels dans le monde, au cours d’une Opération Cathédrale, à laquelle participaient les polices de quatorze pays. Cela s’est soldé par l’arrestation de plusieurs centaines d’individus, tous liés au réseau Wonderl—and. Le type qui est à l’origine de tout le réseau habitait San José en Californie. Justement, avec lui, il y a les trois dimensions en même temps : intra et extra-familiales et Internet. Lorsque sa fille invitait des copines en week-end, il venait les chercher en pleine nuit et il les violait en direct sur Internet, après avoir donné un rendez-vous aux membres du Réseau.
Vous parlez de tout cela avec fougue. On sent que vous voulez remuer des montagnes pour changer les choses. Y a-t-il au fond de votre engagement des raisons plus personnelles ?
Il est vrai que lorsque je suis arrivée en France, très jeune, pour faire mes études, mes parents sentaient venir la révolution iranienne et ils tenaient à ce que j’ai une bonne éducation. J’étais extrêmement ignorante, innocente, je ne savais pas ce qui se passait entre un homme et une femme. Heureusement je n’avais pas besoin d’argent, mais j’ai eu des copines qui étaient sollicitées de manière à peine voilée, au Trocadéro, sur les Champs-Élysées. Il y a eu des viols et l’une de mes amies s’est suicidée à cause de cela, peu après son mariage. J’ai promis que je ferai quelque chose pour ces enfants-là !
Vous êtes mère de famille. Qu’est-ce qui vous meut ? L’amour des enfants ?
Il y a des enfants qui me disent : « Tu as une grande charité ». Mais pour moi, il ne s’agit pas de charité ! Mon action a un enjeu social, public. J’entends rendre service à la société. Demain, les enfants maltraités ou violés feront partie de notre société. Si l’on ne s’en occupe pas, ils ont statistiquement plus de chance de devenir cocaïnomanes, ou dealers, de pratiquer des automutilations, d’être suicidaires. Et puis vous savez bien que la maltraitance engendre la maltraitance. Ils pourront eux-mêmes être du côté des bourreaux.
Votre association s’occupe particulièrement des enfants traumatisés ?
Oui, nous demandons que ces enfants aient un statut de victime et une aide de la société. Aujourd’hui ce ne sont pas les enfants qu’on aide, ce sont les criminels. Le suivi psychologique est réservé au violeur, pas à sa victime. Nous avons voulu pallier cette carence en organisant des sessions d’équithérapie (thérapie par l’équitation) ou d’art plastique, au cours desquelles les enfants peuvent parler. Sur les trente enfants que nous recevons actuellement à Neuchâtel en Suisse, on peut dire que seuls deux continuent à développer un véritable malaise. Pour les autres, lorsqu’il y a assistance, on peut atteindre facilement à ce que l’on nomme en psychologie la résilience, le dépassement du traumatisme. Encore faut-il en prendre les moyens ! Si l’enfant ne parle pas, le risque peut être celui du suicide. Regardez l’affaire Keizermetz : cet instituteur, aimé de tout le monde a eu 55 victimes en 25 ans. Mais chaque fois que l’Éducation nationale recevait des plaintes, il était muté ailleurs, sans la moindre explication. Il a fallu que l’une de ses victimes, un garçon de 28 ans, se suicide, après avoir dénoncé son violeur juste avant qu’il y ait prescription…
Vous parlez d’un statut de victime. Mais vous n’avez pas peur d’une victimisation excessive, comme à Outreau par exemple ?
Écoutez à Outreau, il y a quand même eu des viols. Il y a quatre personnes sous les verrous aujourd’hui et elles savent pourquoi. Alors bien sûr, les enfants ont été manipulés. On leur a dit : “Si tu ne dénonces pas, je vais en prison”. Pour des enfants qui sont dans ce genre de familles marginales et qui sont régulièrement transformés en objets sexuels, la différence entre la vérité et le mensonge est difficile à faire. Et je crois que cette vérité, la justice doit la leur donner. Dans beaucoup de cas, par exemple, le procès se termine par un non-lieu. Les enfants reçoivent ce non-lieu. Il y a eu fellation par exemple, mais allez prouver ce genre de chose ! Eh bien nous nous battons pour que l’on exprime autrement le verdict de la Justice, que les victimes ne prennent pas ce “non-lieu” pour un déni de la société. Rachida Dati a promis à notre association de faire quelque chose dans ce domaine, pour que l’expression du Tribunal n’apparaisse pas comme un refus de la réalité du trauma. Laissons-la travailler !

Éditorial - Le droit de tuer ? - Laurent Lineuil

Éditorial - Le droit de tuer ? - Laurent Lineuil

Concomitants, les deux événements semblent ne rien avoir en commun ; pourtant ils témoignent tout deux, à des degrés divers, de l’épuisement d’une nation qui a perdu l’envie de vivre. D’un côté, le rapport de la commission Attali, qui organise rationnellement la disparition de la nation française, conformément à l’idéal de nomadisme généralisé de son président, en voulant favoriser l’arrivée d’immigrés et pénaliser les familles françaises. Logique qui rejoint celle du Planning familial, qui lançait fin janvier en Ile-de-France une grande campagne d’affichage (sur fonds public) sur le thème « Sexualité, contraception, avortement, un droit, mon choix, notre liberté », accompagnée d’une campagne de presse dans les médias bien-pensants, sur le thème : “la liberté d’avorter est toujours à conquérir” – comme si les 58 000 avortements pratiqués annuellement en Ile-de-France, sur un total national de 220 000 (soit 25 % pour 18 % de la population), étaient notoirement insuffisants, au regard d’on ne sait quel obscur planning d’autodestruction.

Pour lutter contre cette culture de mort, l’heure du réveil aurait-elle sonné ? Certes, nous sommes très loin encore, en France, de la réaction espagnole (deux millions de personnes dans les rues de Madrid le 30 décembre, à l’appel de l’Église, pour défendre la famille), ou même des 100 000 à 200 000 participants annuels de la March for Life de Washington, le 22 janvier, lesquels ont reçu un message d’encouragement du président américain avant que leurs représentants ne soient reçus à la Maison-Blanche. Pas d’encouragement présidentiel, on s’en doute, pour les 10 000 participants de la Marche pour la Vie parisienne, le 20 janvier – une affluence qui croît chaque année, depuis quatre ans que cette marche unitaire existe. Mais, fait nouveau, la marche était signalée (certes d’une simple ligne) sur la page d’accueil du site internet de la Conférence épiscopale française. Surtout, à défaut de joindre le cortège, six évêques français lui avaient manifesté leur appui : NN. SS. Aubry (Saint-Denis de la Réunion), Bagnard (Ars-Belley), Cattenoz (Avignon), Centène (Vannes), Fort (Orléans), Rey (Fréjus-Toulon). Toujours les mêmes, me direz-vous… Raison de plus de saluer leur constance dans les bons combats. À défaut de soutenir cette marche pour la vie, les évêques de la région Ile-de-France, eux, ont tout de même signé un communiqué commun pour s’élever contre le prosélytisme pro-avortement du Planning familial.

Mais si ce combat, comme le rappelle inlassablement Benoît XVI, est l’un des “points non négociables” sur lesquels les catholiques ne peuvent passer aucun compromis avec le monde, il n’est pas, Dieu merci, un combat purement confessionnel. Et même si l’issue peut aujourd’hui en paraître bien incertaine, elle l’est d’autant moins qu’il rejoint les intuitions profondes de la morale naturelle ancrée en tout homme. Si le débat idéologique semble à ce sujet bien verrouillé par les chiens de garde de la pensée unique, la décence commune trouve heureusement des voies parfois inattendues pour les contourner. On n’en prendra qu’un exemple, répandu par affiche sur les murs de nos villes pour la promotion d’un film. Sous le titre de celui-ci, Juno, l’image de l’actrice qui dans le film porte ce prénom, dont la photo de profil laisse voir à loisir un ventre bien arrondi ; et un slogan : « Enceinte ! et alors ? » L’histoire, d’autant plus inattendue qu’elle est signée d’une scénariste qui, loin d’appartenir à la majorité morale, est une ancienne strip-teaseuse qui se dit "pro-choix", est celle d’une jeune fille qui, tombée enceinte par accident, rejette l’avortement que tout le monde considère comme naturel et se met en quête d’un moyen d’accueillir l’enfant. Sur le mode comique (En cloque, mode d’emploi), tragique (4 mois, 3 semaines, 2 jours ou Le Bannissement) ou mystique (L’Île), il ne se passe pas de mois sans que le cinéma évoque l’avortement comme une absurdité, une tragédie ou une douloureuse erreur. C’est parfois par le biais de la fiction que le réel reprend ses droits.

mardi 15 janvier 2008

En communion ou pas ? - Abbé G. de Tanoüarn

Objections - n°13 - janvier 2008 - pages 1 et 2

En communion ou pas ? - Abbé G. de Tanoüarn

Je recevais tout récemment une lettre d'un évêque. Je ne vais pas le nommer parce que je n'ai pas l'habitude de moucharder. Mais sa réaction écrite m'a paru tellement caractéristique que je ne résiste pas à vous la faire connaître. Et puis, vous êtes un peu concernés, comme vous allez le voir ! Notez simplement qu'il vous donne lui-même une indication sur l'emplacement géographique de son diocèse. « Vous n'êtes pas en communion avec les évêques d'Île-de-France, comme le prouve la revue Objections ». Et d'ajouter, pour que la mesure soit bien pleine, que cette communion ne risque pas d'advenir « avant plusieurs années ».

Je me demande donc ce qui me vaut cette excommunication latae sententiae… Je cherche. Il est vrai que nous nous intéressons beaucoup aux évêques en ce moment, à leur bon et aussi – hélas – à leur mauvais vouloir. Il est vrai que nous en écrivons : l'Église de France n'est pas, que je sache, une Église du silence. Nous parlons des évêques avec le respect nécessaire lorsqu'on évoque les successeurs des apôtres. Avec un souci d'exactitude aussi et de justice dans ce que nous en rapportons (pour avoir publié une fois un renseignement faux, qui me valut une lettre mémorable de l'un d'entre eux, je sais ce qu'il en coûte de tolérer l'à-peu-près ou le manque de rigueur dans l'information). J'ajoute – mais c'est sans doute personnel – un immense désir de leur être agréable…

Hélas, ce désir n'est pas compris, au moins du scripteur de cette lettre, qui utilise de grands mots, cherchant sans doute de grands remèdes.

La question que je me pose porte justement sur l'un de ces grands mots : communion. Est-il possible lorsqu'on est en communion avec le pape de ne pas être en communion avec les évêques d'Île-de-France ? Est-il possible lorsqu'on est manifestement en communion avec la plupart des évêques d'Île-de-France de ne pas l'être… du tout, à cause de l'un d'entre eux ?

Et puis il y a une question subsidiaire : faut-il vraiment que je m'administre à moi-même ces grands remèdes qui appellent les grands mots ?

Je suis membre de l'Institut du Bon Pasteur, créé par la volonté de Benoît XVI (comme l'a souligné à plusieurs reprises le cardinal Ricard). Je suis donc prêtre, incardiné dans la Commission Ecclesia Dei à Rome, ayant signé, un an avant la création de l’Institut, un “acte d'adhésion”, par lequel je m'engageai à « une critique constructive » de Vatican II. Ces actes forts du pape Benoît XVI, je les ai pris comme une feuille de route, à son service. On ne peut les remettre en cause qu'en contestant son autorité souveraine. – Mais me direz-vous, un évêque peut défaire ce qu'un autre évêque a fait. – Certes, mais le pape n'est pas que l'évêque de Rome. Il est la source de tout pouvoir dans une Église, dont il garantit l'universalité, au-delà des particularités locales. Un évêque ne peut donc défaire ce que le pape a fait.

Comment concevoir en effet cette communion à deux vitesses, qui serait d'une part, en Pierre et en son successeur, une communion à l'Église universelle, et d'autre part, en tel évêque, une communion à l'Église locale ? Et comment concevoir que ces deux communions subsistent séparément et qu'elles puissent ne pas s'identifier l'une à l'autre dans la communion au successeur de Pierre ? Communion à vitesse papale, communion à vitesse épiscopale, ce concept paraît proprement inconcevable. Un cercle carré. À moins d'imaginer (horresco referens) que l'évêque ne soit pas, lui-même, en communion avec le pape. Dans un document de 1993, La notion de communion, le cardinal Ratzinger, temporibus illis, a bien montré que la communion à l'Église locale n'a de sens qu'en tant qu'elle exprime la communion à l'Église universelle.

Mais pourquoi faut-il que, dans leur pastorale, certains parmi les évêques français (d'autres noms encore me viennent à l'esprit) semblent défendre l'idée saugrenue que l'on peut être en communion avec l'Église universelle sans pour autant être en communion avec l'Église locale ? Pourquoi faut-il qu'ils se donnent l'air d'ajouter des conditions de communion à celles que le pape a établies ?

Après le Concile, en 1971, en pleine crise progressiste, à propos de l'Église de Hollande, le pape Paul VI a évoqué à plusieurs reprises des « ferments schismatiques ». Il ne faudrait pas que ces ferments aient levé dans la pastorale de certains évêques de France.

Nous devons tous faire attention aux mots que nous utilisons, pour que le porteur de zizanie dont parle l'Évangile – inmicus homo – ne profite pas de différends humains, trop humains, pour en faire autant de déchirures dans la tunique sans couture.

Tout cela est bel et bon, direz-vous, mais il reste un vrai problème : celui de la concélébration. Si vous ne souhaitez pas concélébrer avec nos évêques, n'est-ce pas un signe infaillible d'une carence de communion ? Et les évêques qui utilisent ce grand mot n'ont-ils pas raison de le faire ?

L'objection est importante ; elle ne peut être prise à la légère.

Il faut souligner qu'il existe un lien profond entre l'ecclésiologie et la théologie des sacrements. Sans forcément réduire la communion ecclésiale à sa dimension eucharistique, comme le fit naguère l'orthodoxe Jean Zizioulas, il importe de poser que la fin de l'eucharistie (ce que les thomistes appellent res et sacramentum), c'est l'unité de l'Église, en tant qu'elle représente son efficacité salvifique. Si le Royaume de Dieu advient, c'est par l'autel et en quelque sorte sur l'autel qu'il advient, ainsi que le disait souvent Mgr Lefebvre. Sans l'eucharistie, qui est l'Emmanuel de Dieu, Dieu avec nous, il n'y a plus d'Église.

Dans cette perspective, il n'est pas facultatif, ainsi que j'ai eu l'occasion de l'écrire à plusieurs reprises, de reconnaître la légitimité de la forme nouvelle du rite latin, qui, parce qu'elle est proclamée par un pape au nom de l'Église, est essentiellement valide.

– Mais alors, direz-vous encore, qu'est-ce qui vous empêche de concélébrer avec l'évêque dans ce rite essentiellement valide ?

– Certains invoqueront le devoir de cohérence avec notre vécu antérieur et par conséquent avec les positions de la Fraternité Saint Pie X. Cette raison existentielle est une mauvaise raison. Je ne souhaite pas avoir mis la main à la charrue et que l'on me prenne en flagrant délit de rétrovision… Il faut regarder droit devant soi et mesurer la gravité de la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui encore. Cet évêque qui excommunie ses frères chrétiens en lousdé nous permet, sans doute bien malgré lui, de mieux mesurer l'opacité des problèmes dans lesquels nous nous débattons. Essayons de mettre un peu de lumière sur tout cela, sans céder aux passions qui, depuis que le monde est monde, aigrissent si souvent les questions religieuses.

Il me semble qu'il y a trois raisons qui, aujourd'hui, empêchent les prêtres du Bon Pasteur de concélébrer dans la forme nouvelle du rite latin.

La première ? Les statuts de notre communauté, approuvés par la Commission Ecclesia Dei et visés par le pape, nous garantissent « l'usage exclusif » de la forme traditionnelle du rite latin, reconnu comme notre « rite propre ». il ne s'agit pas seulement pour nous d'un droit positif dont nous ferions état avant de recevoir un nouveau formulaire dont on puisse dire, selon la formule consacrée, qu'il « annule et remplace » le précédent. Ces statuts matérialisent notre contrat constitutif avec l'Église. Ils nous assignent un charisme, qui est en effet constitutif de notre vocation ecclésiale. Nous ne pouvons donc en aucun cas traiter à la légère de telles injonctions, et les évêques qui nous demandent d'y renoncer font penser à ces réactionnaires qui ont toujours besoin d'être plus royalistes que le roi et dont la surenchère porte avec elle quelque chose de vaguement dérisoire.

Deuxième argument : il concerne plus directement les prêtres souhaitant bénéficier du même privilège que l'IBP, mais ne pouvant faire état d'un droit que nous donnent nos statuts, puisque… ce ne sont pas les leurs.

Il y a, me semble-t-il, une difficulté théologique vraiment dérangeante à faire de la concélébration dans la forme nouvelle du rite latin le signe nécessaire de la communion.

D'abord, cela aboutit à nier la notion – traditionnelle dans l'Église – de rite propre. Demain si tel Patriarche orthodoxe se rattache à la Primauté romaine, faudra-t-il que la concélébration selon la forme nouvelle du rite romain vienne sceller la réconciliation entre lui et le pape de Rome ? Il me semble que cette notion canonique de rite propre est nécessaire à un œcuménisme bien tempéré. Il serait absurde de la mettre en cause au sein de l'Église latine, alors que la réunion des deux poumons de l'Église semble de plus en plus attendue.

Plus profondément, cela introduit une dualité et une préférence dans ce que le pape a appelé « l'unique rite latin sous ses deux formes », et cela au risque de rallumer la guerre des rites que le Motu proprio du 7 juillet dernier avait si fermement souhaité conjurer. Il est absurde de réclamer que les prêtres célébrant habituellement le rite traditionnel manifestent leur communion dans le rite nouveau, comme si le rite traditionnel, célébré una cum famulo tuo papa nostro Benedicto ne portait pas en lui-même une volonté efficace de communion. Exiger cette concélébration de la part de ceux qui célèbrent habituellement le rite dans sa forme traditionnelle, c'est mettre en cause, de manière difficilement tolérable, la finalité et donc la légitimité du rite traditionnel.

Et si l'on m'explique le contraire, alors, logiquement la concélébration n'est pas nécessaire.

En revanche, il importe de mettre en valeur des signes concrets de communion dans un véritable respect mutuel, qui va, bien entendu, jusqu'à une collaboration réciproque dans l'évangélisation.

Le dernier point est important : nous avons reçu le droit d'exprimer une « critique constructive de Vatican II » et des réformes qui lui font suite, parmi lesquelles, la réforme liturgique. Nous n'avons jamais caché que nous avons des critiques respectueuses à énoncer quant à la théologie de la forme nouvelle du rite, celles-là mêmes que formulèrent en leur temps les cardinaux Ottaviani et Bacci dans leur Bref Examen critique. Il est certain qu'à travers l'encyclique Ecclesia de Eucharistia comme aussi dans le document Redemptionis Sacramentum, le magistère entreprend une réévaluation à longue portée de l'œuvre liturgique de Vatican II. Nous pensons que notre propre « critique constructive » s'inscrit dans ce grand mouvement ecclésial. Nous la présentons avec humilité, mais aussi dans un grand désir de vérité.

S'il est vrai que la barque de Pierre fait eau de toutes parts, elle ne pourra se redresser que dans la mesure où elle retrouvera l'étoile polaire de sa Tradition.

Abbé G. de Tanoüarn

L’événement - 400 000 anglicans sollicitent la « pleine communion »

Objections - n°13 - janvier 2008 - page 3

L’événement - 400 000 anglicans sollicitent la « pleine communion »

La Traditional Anglican Communion (TAC) est une « communion internationale » de communautés chrétiennes – on ne peut, comme le font les intéressés, utiliser le terme d’« Églises » – de tradition anglicane mais non rattachée à la Communion anglicane dont le primat est l’“archevêque” de Cantorbéry. Les fidèles de cette « communion internationale » peuvent être dits “anglo-catholiques traditionnels”, “traditionnels” en regard de leur théologie et de leur pratique liturgique.

La TAC a fait sécession de la Communion anglicane en raison de nombreuses divergences, la principale était l’“ordination” des femmes. Elle recherche désormais la pleine communion avec Rome. Lors de sa session plénière qui s’est tenue à Portsmouth (Angleterre) dans la première semaine d’octobre 2007, les “évêques” et “vicaires généraux” de la TAC ont signé « solennellement » une « lettre adressée au Siège Romain pour rechercher la pleine et collective union sacramentelle » (communiqué du 16 octobre). La TAC compte plus de 400 000 membres répartis sur tous les continents. On comprend et l’intérêt et la prudence du Saint-Siège devant cette démarche.

Pour ce qui est de l’Anglican Church in American (ACA), cette branche de la TAC aux États-Unis a été créée en 1991 après la fusion de l’American Espiscopal Church et d’un gros tiers de l’Anglican Catholic Church. Elle regroupe une centaine de congrégations – le nombre exact des fidèles qui s’y rattachent n’est pas connu – et possède un “primat” en la personne de l’“évêque” George D. Langberg.

Les négociations de l’ACA avec Rome ont commencé en 1995, mais ont été freinées par la position du cardinal Walter Kasper, à cette époque secrétaire du Conseil pontifical pour l’unité des chrétiens (il en est le président depuis 2001), craignant que l’accueil de ces anglicans fournisse un signal hostile aux autres membres de la Communion anglicane…

Or, il ne s’agissait pas, dans ces négociations, d’une démarche « œcuménique » mais de la volonté de ces anglicans d’obtenir, aux conditions romaines – la charité étant sauve – la pleine communion. C’est pourquoi dès 2003 le dossier fut rattaché à la Congrégation pour la doctrine de la Foi.

La pleine communion de la TAC (et donc de l’ACA américaine) pourrait être facilitée par le précédent des « Pastoral Provision » [2] (les dispositions pastorales) prises par Jean-Paul II en 1980 à la suite des demandes de “prêtres” et de fidèles épiscopaliens américains souhaitant la pleine communion. Ces dispositions pastorales autorisent les évêques diocésains à fonder des paroisses catholiques de « rite » anglican, c’est-à-dire qui utilisent une liturgie très voisine de celle de l’anglicanisme [3] celle du Book of Divine Worship qui est une adaptation catholique du Book of Common Prayer – agréée par la Congrégation pour le culte divin et la conférence des évêques des États-Unis – paroisses administrées par d’anciens ministres anglicans qui ont été ordonnés prêtres catholiques. Ce sont donc là des “paroisses personnelles” de “rite particulier” mais catholiques latines – on en compte 7 aux États-Unis, principalement au Texas, en Caroline du Sud, en Pennsylvanie et dans le Massachusetts – qui pourraient donner quelque idée aux évêques français qui se grattent la tête pour savoir comment appliquer Summorum Pontificum… Depuis 1983, 70 anciens pasteurs anglicans ont été ordonnés prêtres catholiques et ont un ministère dans les paroisses américaines “personnelles” ou territoriales.

Si la TAC entrait dans la pleine communion de l’Église, ce serait la première fois qu’une entité anglicane serait réconciliée avec Rome depuis le schisme d’Henry VIII en 1534, cette forme de réconciliation pouvant revêtir deux formes : une administration apostolique de rite anglican ou une multiplication de paroisses personnelles sous la juridiction des évêques diocésains selon les « Pastoral Provision ». En tous les cas, une affaire à suivre…

Daniel Hamiche


[1] www.acahome.org

[2] www.pastoralprovision.org

[3] Voyez quelques exemples significatifs : www.walsingham-church.org ; www.atonementonline.com/index.php

Peut mieux faire ! - Tony Blair : un anglican de moins. Un catholique de plus ?

Objections - n°13 - janvier 2008 - page 3

Peut mieux faire ! - Tony Blair : un anglican de moins. Un catholique de plus ?

Une étude publiée par The Sunday Telegraph (23 décembre) révèle que si 25 millions de sujets britanniques se considèrent anglicans, contre 4,2 millions qui se disent catholiques, ces derniers, en nombre de pratiquants, l’emportent désormais sur les premiers (861 000 contre 852 000). C’est dans ce contexte nouveau qu’on apprend que l’ancien Premier Ministre de Sa Très Gracieuse Majesté, Tony Blair, ayant fait abjuration de l’anglicanisme, a été reçu, le 21 décembre dernier, dans l’Église, lors d’une cérémonie privée à la résidence du cardinal Cormac Murphy-O’Connor, archevêque de Westminster. Fort bien et il y a lieu de s’en réjouir. Mais aussi de poser quelques questions, ce que n’ont pas manqué de faire des associations catholiques pro-vie britanniques. J

ohn Smeaton, directeur de la Society for the Protection of Unborn Children, déclarait dès le 22 décembre que la décision de Tony Blair lui semblait « franchement bizarre. Elle nous préoccupe. Pendant ses fonctions de premier ministre [dix ans !] Tony Blair est devenu un des architectes les plus importants de la culture de mort, promouvant l’avortement, les expérimentations sur l’embryon humain – y compris sur les embryons humains clonés – et l’euthanasie passive. Nous écrivons à Tony Blair pour lui demander s’il s’est repenti des positions anti-vie dont il a été ouvertement le défenseur tout au long de sa carrière politique ». Nous attendons aussi sa réponse…

DH

C’est à lire - La vie intérieure de Maurras

Objections - n°13 - janvier 2008 - page 4

C’est à lire - La vie intérieure de Maurras

On vient d’éditer, sur 800 pages, la correspondance échangée pendant 43 ans entre Charles Maurras et Mgr Jean-Baptiste Penon, évêque de Moulins. Occasion de revenir sur le projet maurrassien, mais surtout sur l’agnosticisme personnel et sur la quête intérieure de Charles Maurras.

Au commencement de tout, il y a un jeune orphelin de père supérieurement doué, qui devient sourd à l'âge de 14 ans. Il sent que la vie se ferme à ses appétits en éveil. Il pressent la fin. Incapable de suivre le moindre cours collectif, il ne pourra pas avoir accès à la culture que réclame sa précoce intelligence. Il se trouve qu'un jeune prêtre de 35 ans, « le meilleur helléniste du diocèse » dit-on, a entendu parler de ce gâchis. L'abbé Penon enseigne dans les grandes classes. Peu importe ! Il se chargera du jeune Charles, qui, sans aucun débordement inutile, le considère désormais comme une sorte de second père. C'est à cet abbé Penon, point timoré, que l'on doit la montée à Paris, à l'âge de 17 ans, du jeune Charles, les premières recommandations (en particulier aux Annales de Philosophie chrétienne) et les premiers articles du poulain-prodige : « Je ne quitte jamais son tombeau de Simiane, où je vais plusieurs fois par an, écrit Maurras en 1945, sans lui rendre l'hommage que Jacques Bainville était bien moins fondé à m'adresser : “Hors le jour, je lui dois tout” ».

Mgr Penon est bien l'image du père pour le jeune journaliste. « Cher Maître », Charles lui écrira toute sa vie, en lui donnant le titre que l'on ne tarde pas à lui reconnaître à lui-même, autour de Saint-Germain-des-Prés, dans ce Café de Flore où, coquetterie 1900, se pensait et se rédigeait cette Revue Grise que fut la première Action Française. Jusqu'à sa mort, Maurras appelle Penon « Cher Maître », comme pour reconnaître son autorité, si bénéfique, sur sa jeune vie.

Cette correspondance Penon-Maurras, on l'aura compris, n'est donc pas anecdotique : elle a lieu entre un fils et son père d'élection. Comme à un père, le jeune homme se confie. Comme à un père, il ne dit pas tout, loin de là. Il garde pour lui (et, bien plus tard, pour les lecteurs du Mont de Saturne) ses premières fredaines. Entre ce père spirituel et ce fils turbulent, curieux de tout, vibrant à tout, prêt à tous les paroxysmes, ce qui domine, avec une confiance mutuelle qui semble inépuisable, c'est une incompréhension quasi totale. Notons au passage que Maurras sera monarchiste de la même façon qu'il fut fidèle à son ancien maître : avec toute sa confiance envers les Princes successifs, mais dans une perpétuelle incompréhension. Je crois que c'est avant tout cette indifférence d'un jeune intellectuel aux avis du père, pourtant reconnu comme tel, qui fait l'intérêt extraordinaire de la pensée maurrassienne. Chacun d’entre nous n’est-il pas tenu de conjuguer à sa manière la liberté et la fidélité ?

Abbé G. de Tanoüarn


Dieu et le Roi, Correspondance entre Charles Maurras et l'abbé Penon (1883-1928) présentée par Axel Tisserant, éd. Privat 2007, 752 pp. (avec index), 30 euros.

Facta sunt

Objections - n°13 - janvier 2008 - page 4

Facta sunt

  • Le cardinal Alfons-Maria Stickler a été rappelé à Dieu le 12 décembre dernier à l’âge de 97 ans. Dans son homélie, le pape Benoît XVI a évoqué les trois blancheurs, l’Eucharistie, le Pape, la Vierge Marie, auxquelles cet Autrichien, membre de l’ordre salésien, se réfère dans son testament spirituel. Le cardinal, qui fut Préfet de la Bibliothèque vaticane dès 1971, fut sacré évêque par Jean Paul II en 1983 et créé cardinal en 1985. Il a célébré toute sa vie habituellement la messe traditionnelle et a donné plusieurs articles au périodique américain The Latin Mass, en particulier pour prouver que la forme traditionnelle du rite n’avait jamais été interdite. Benoît XVI prendra acte de ses démonstrations sur ce point dans le Motu proprio Summorum pontificum.

  • Petit événement, passé inaperçu : le compte rendu que vient de donner Alain Besançon dans la revue Commentaires (hiver 2007-2008) à la visite du pape Benoît XVI à Istanbul (28 novembre-1er décembre 2006), Un an après l’événement, l’auteur de Trois tentations dans l’Église a eu le temps de peser les termes de son appréciation. Après avoir souligné que dans la Mosquée bleue, le pape a publiquement prié à la manière musulmane, sa conclusion est éloquente : « Le pape a perdu à Istanbul une partie de son autorité. Dans une église en proie à des tensions fortes, il n’est pas de bon augure de voir “chasser” l’ancre romaine ». Sur tout cela, voir Objections n° 8 : « Benoît XVI et le danger turc ».

  • À Amiens, Mgr Bouilleret qui refuse absolument de donner ou même de prêter une église aux traditionalistes de la Fraternité Saint Pie X, désigne le maire Gilles de Robien comme médiateur possible : « Il n’y a pas d’églises désaffectées dans le diocèse d’Amiens, placées sous ma responsabilité. Mais il y en a qui dépendent des collectivités territoriales, comme Saint-Germain, qui appartient à la ville d’Amiens. C’est au maire à prendre ses responsabilités » (Courrier picard 15 décembre). Décidément, ballottés entre les autorités civiles et les autorités religieuses, les sans-papiers de l’Église ne font pas recette pour l’instant.

  • Le Grand Orient de France s’en étrangle. Il a publié récemment une violente mise en garde contre l’Église catholique : « Voir béatifier par le Vatican des victimes religieuses de la Guerre civile espagnole, au moment même où cette grande démocratie tente avec courage d'examiner son passé douloureux ; ou encore récemment, assister au retour incroyable des indulgences plénières promises par le pape Benoît XVI, aux pèlerins de Lourdes en 2008 », cela sonne faux !
    Qui ne voit que les vertus émancipatrices dont ils se réclament sonnent faux quand il s'agit de soumettre les Hommes à un ordre éculé et non de les libérer ?
    « Le Grand Orient de France appelle à la plus extrême vigilance face à cette offensive générale qui, au nom de l’Église catholique, travaille contre l'émancipation des Hommes, contre leur Liberté ».

  • Antonietta Meo, surnommée familièrement « Nennolina », est née le 15 décembre 1930. Après la découverte d’une maladie osseuse, l’ostéosarcome, elle fut amputée d’une jambe. Elle écrivit alors des centaines de lettres à Dieu qui révèlent une vie qualifiée “d’union mystique“ au Christ. « Tu sais, disait-elle à sa mère, j’ai offert ma petite jambe à Jésus pour la conversion des pauvres pêcheurs ». Nennolina est morte le 3 juillet 1937. Le 17 décembre dernier Benoît XVI a reconnu les vertus héroïques de cette petite fille de six ans et demi. Il a déclaré qu’il espérait pouvoir conclure favorablement le procès de béatification d’Antonietta.

  • Rien dans ce numéro sur la deuxième encyclique du pape Spe salvi. Vous pouvez, pour 12 euros franco, vous procurer le CD de l’abbé de Tanoüarn « L’espérance de Benoît XVI ». Notons ici simplement que la deuxième encyclique de Benoît XVI est le premier document important qui ne comporte aucune référence au concile Vatican II. En revanche, le pape cite le rituel traditionnel du sacrement de baptême : « Que demandez-vous à l’Église de Dieu ? – La foi – Et que donne la foi ? – La vie éternelle ». Son message ? L’Église doit se recentrer sur sa prédication essentielle : la vie éternelle et le Royaume de Dieu.

C’est à voir - L’odyssée de la misère en vidéo

Objections - n°13 - janvier 2008 - page 5

C’est à voir - L’odyssée de la misère en vidéo

Golden Door évoque l’émigration sicilienne vers les États-Unis, au début du XXe siècle. L’entrée dans un « nouveau monde » – titre original du film – qui est aussi une perte de l’innocence.

Au commencement, il y a deux hommes, vêtus comme des paysans. Sales et suants, ils gravissent à pieds nus une montagne rocheuse, sans mot dire. Et pour cause : coincé dans leur bouche, un énorme caillou leur cisaille la commissure des lèvres. Pendant plusieurs minutes, ignorant tout du lieu, de l’époque ou du but de cette étrange équipée, nous sommes condamnés à observer sans comprendre, captivés par ce mystère autant que par la beauté sauvage des images.

Ainsi commence le dernier film d’Emanuele Crialese, le cinéaste italien de Respiro, qui baignera tout entier, deux heures durant, dans cet étrange alliage de réalisme et d’étrangeté. Le réalisme, c’est celui de la misère de ses protagonistes, une famille sicilienne du début du XXe siècle. Hésitant à partir en Amérique, ces gueux qui ne distinguent pas la religion de la superstition vont demander conseil à la Vierge, en allant déposer à ses pieds, en haut de la montagne, les fameux cailloux – rite qu’on imagine immémorial. Croyant avoir reçu un signe, les voilà en route pour ce pays de cocagne dont ils ignorent tout, convaincus d’aller vers une terre promise, un Canaan où coulent le miel et le lait. Pour traduire cette ignorance émerveillée, Crialese a marié au réalisme de ses personnages un ton onirique qui exprime l’irréalité, pour ces paysans qui n’ont jamais quitté leur village, de cette odyssée sur l’océan – songe qui parfois tourne au cauchemar, comme lors d’une extraordinaire scène de tempête, où l’on ne voit pas un instant les flots déchaînés, juste un étrange ballet de corps ballottés, martyrisés, entremêlés.

Mais il y aura un prix à payer pour cette entrée dans la modernité : toute une part de soi-même, la plus essentielle peut-être, laissée derrière soi à tout jamais ; et, bientôt, le consentement à une humiliation qui est une déshumanisation. Car, pour passer le sas d’Ellis Island, il leur faudra réussir des tests qui mettent en œuvre un eugénisme dans toute l’ingénuité et la bonne conscience de ses jeunes années. En ces temps d’« immigration choisie », ces scènes ont un effet ravageur, même si ce n’est pas là le propos du film : « Je n'étais pas intéressé par le récit historique ou social et encore moins par l'histoire des masses, dit le cinéaste. J'ai voulu aller à la rencontre du particulier, de l'individu qui quitte sa terre natale et, à travers ce voyage, se métamorphose d'homme ancien en homme moderne. L'homme qui part emporte avec lui peu d'objets mais tous ses morts. C'est un homme qui a vécu avec un sens aigu de l'identité et de la mémoire, la mémoire des histoires qui lui ont été transmises par son père et son grand-père. » Et Crialese ajoute : « J'ai cherché à raconter l'histoire de ces hommes d'un autre temps qui croyaient encore à l'importance du mystère, qui voyaient encore les choses qui ne se voient pas, mais qui pourtant existent. »

Si le film touche si profondément, c’est qu’il est aussi le récit du passage de l’ancien monde au nouveau, de l’âge de la simplicité à la modernité, de l’âge de l’innocence à l’âge du rationalisme, de l’âge de la foi à celui du désenchantement. Golden Door est, aussi, notre histoire.

Laurent Lineuil


Golden Door : un DVD Aventi.

L’humeur - Sarkozy : le grand tournant

Objections - n°13 - janvier 2008 - page 6

L’humeur - Sarkozy : le grand tournant

Sarkozy a-t-il été touché par la grâce de Noël ? L’ironie n’est pas de mise ici : le discours qu’il a tenu à Saint-Jean-de-Latran, lors de sa visite au Vatican, constitue à plusieurs égards une véritable rupture avec les politiques de méfiance et d’hostilité latente au catholicisme qu’avaient conduites ses prédécesseurs, Mitterrand et Chirac.


On se souvient des tentatives socialistes pour étouffer l’enseignement libre – objectif en grande partie atteint aujourd’hui –, des oppositions virulentes qui s’étaient exprimées lors des visites en France de Jean-Paul II et, bien sûr, du refus de Jacques Chirac de reconnaître les racines chrétiennes de l’Europe.

On peut, certes, critiquer tel ou tel point du discours. Exemple ? Le président de la République exagère sans doute lorsqu’il déclare que Clovis fut le premier souverain chrétien : l’empereur Constantin était venu avant lui. Clovis, en revanche, fut l’instrument de la victoire du catholicisme contre l’arianisme. Peu importe. Ces déclarations ont une portée considérable. Par elles, le chef de l’État renoue le fil d’une histoire d’amour filial, que certains voudraient briser : celle de l’Église et de la France. On notera aussi que, ce faisant, il renoue le fil de l’histoire de la France elle-même, qui ne commence pas en 1789. Il n’est pas indifférent que Sarkozy inscrive explicitement son intronisation comme chanoine d’honneur de Saint-Jean-de-Latran dans une tradition initiée par Henri IV, encore moins qu’il revendique pour la France l’héritage de Clovis. Qui se souvient de l’hostilité qui s’exprima lors de la venue en France de Jean-Paul II pour le 1500ème anniversaire du baptême de ce roi, saluera l’audace de ce geste. Du sein même de l’Église de France, des voix s’étaient alors élevées pour empêcher le pape de parler du baptême de la France. Sarkozy charge en terrain miné…

Du reste, même lorsqu’il évoque la laïcité, le président de la République rappelle quelques réalités difficiles à entendre dans certains milieux laïcs : « La laïcité, dit-il, ne saurait être la négation du passé. La laïcité n’a pas le pouvoir de couper la France de ses racines chrétiennes. Elle a tenté de le faire ; elle n’aurait pas dû. Comme Benoît XVI, je considère qu’une nation qui ignore l’héritage éthique, spirituel, religieux de son histoire, commet un crime contre sa culture, contre ce mélange d’histoire, de patrimoine, d’art et de traditions populaires, qui imprègne si profondément notre manière de vivre et de penser. Arracher la racine, c’est perdre la signification, c’est affaiblir le ciment de l’identité nationale, c’est dessécher davantage encore les rapports sociaux qui ont tant besoin de symboles, de mémoire. C’est pourquoi nous devons tenir ensemble les deux bouts de la chaîne : assumer les racines chrétiennes de la France, et même les valoriser, tout en défendant la laïcité, enfin parvenue à maturité : voilà le sens de la démarche que j’ai voulu accomplir ce soir à Saint-Jean-de-Latran. »

Il est certes permis de douter de la solidité du deuxième bout de la chaîne, et de ne pas tenir la laïcité, contrairement à ce que dit encore le président de la République, pour une « condition de la paix civile ». Du moins la laïcité telle qu’elle est présentée aujourd’hui : une religion en creux qui s’exprime par son hostilité à l’ensemble des religions, et particulièrement au catholicisme. Il pourrait en aller différemment si l’État laïc reconnaissait, comme le fait Sarkozy, la part essentielle qu’a eu le catholicisme à la construction de la France – autrement dit, en quelque sorte, sa primauté historique. Reste que cette laïcité-là n’est pas parvenue à maturité. Avec un courage qu’il faut saluer, le président de la République lance un chantier de reconstruction.

Pierre Voisin

C’est eux qui le disent…

Objections - n°13 - janvier 2008 - page 6

C’est eux qui le disent…

  • Dans Le Monde du 21 décembre, se poursuit la polémique créée le 7 décembre par l'hebdomadaire Time, titrant sur « la mort de la culture française ». C'est Kevin Mulhoni, professeur à l'Université de Baton-Rouge en Louisiane qui, à sa manière, défend les Frenchies : « Le déclin dont parle Time frappe les Etats-Unis comme la France. Mes étudiants ne sont pas plus capables de citer cinq écrivains ou philosophes qu'ils soient Américains ou Français. Ici pour voir un film étranger, je dois faire 2 000 km et aller à New York. Quant aux cinq films nominés aux Oscars, ils ont fait le tiers des entrées de Mission impossible 3. C'est tout un Continent culturel qui sombre. Simplement, vous les Français, vous y teniez une grande place et vous y êtes encore sensibles ».

  • Comment Dieu votera-t-il se demande Patrick Sabatier dans Le Point du 20 décembre à propos des prochaines élections américaines : « Il n'est aujourd'hui pas un débat télévisé entre candidats à la présidentielle, pas une réunion publique, sans que les candidats, démocrates comme républicains, proclament leur foi. Lors du dernier débat républicain sur CNN, ceux-ci ont été sommés de dire s'ils croyaient ou non à la vérité littérale de la Bible. En août dernier 61 % des électeurs ont déclaré au centre de recherche Pew Forum qu'ils ne voteraient jamais pour un athée ou un agnostique (et pas pour un musulman non plus) ». Le Monde se pose exactement les mêmes questions en première page le... 26 décembre.

  • Découvertes récentes à Rome sous le Mont Palatin : est-ce la grotte de Romulus et Remus où ont eu lieu chaque année jusqu'au Ve siècle les fêtes des Lupercales ? Est-ce un élément du Palais d'Auguste, qui resterait en grande partie à fouiller ? Andrea Carandini, archéologue, explique au Nouvel Observateur qu'à Rome « tout est encore à découvrir. Tout a été conservé sous des monticules de terre, comme la Domus aurea de Néron. Surtout l'Eglise catholique a été assez maligne pour ne rien détruire des monuments païens. Elle aurait pu raser – comme le firent les Turcs en Grèce – ces lieux qui défiaient son autorité et son pouvoir. Elle les a au contraire détournés vers le culte catholique. Rendons hommage à l'Eglise : grâce à son pragmatisme, la Rome antique est en grande partie à redécouvrir ».

L’entretien du mois - Pour une écologie chrétienne

Objections - n°13 - janvier 2008 - page 7

L’entretien du mois - Pour une écologie chrétienne

À Noël, le Christ vient « pour redonner à la création, au cosmos, sa beauté et sa dignité » a déclaré Benoît XVI. Au cœur de la nuit et de l'année solaire, cette nuit de Noël renferme une théologie de « l'écologie humaine ». Que faut-il penser de la prédilection avec laquelle le pape évoque l’urgence écologique. Est-il, ce faisant dans sa fonction de pape. Nous avons posé cette question à Alexis Arette.


Alexis Arette, cela fait des années que le paysan béarnais que vous êtes parle d’écologie à qui veut l’entendre. Quels sont vos titres pour évoquer cette question ?

C’est par l’effet d’une vocation contrarié que je suis devenu écologiste. Dans la famille, on était tous militaire ou paysan. Personnellement, j’aurais préféré l’armée, mais, après une expérience militaire en Indochine, je suis redevenu paysan. Il fallait bien reprendre la terre ! J’habite aujourd’hui, à Momas, ce qui est sans doute la plus vieille maison béarnaise : 1194 est la date inscrite au fronton de la porte. Dans cette maison, j’ai fait longtemps de l’élevage biologique. C’est en tant qu’agrobiologiste que je peux parler d’écologie.

Vous vous revendiquez comme écologiste ?

Je crois que dans l’écologie, il y a deux écoles rivales. Il y a d’abord une école matérialiste dont le fondateur est Ernst von Haeckel, célèbre biologiste allemand, mort en 1919, qui pensait que « la politique c’est de la biologie appliquée ». Darwinien résolu, ses théories ont été récupérées pour justifier le racisme ou l’eugénisme. Et puis il y a une autre école à laquelle je m’honore d’appartenir. Si l’on se réfère à l’étymologie, oikos désigne l’habitat. Et logos, c’est la science bien sûr, mais pour nous chrétiens, c’est aussi le logos. Le Verbe, « par qui tout a été fait » et qui est présent dans la création. Il nous faut raisonner selon ce logos, en sachant que la création nous ramène toujours au Créateur. Je préférerais d’ailleurs parler d’écosophie : il s’agit d’examiner avec sagesse la nature de manière à l’empêcher de déchoir. Lorsque je parle de la nature, j’envisage bien sûr d’abord la nature qui nous entoure, mais j’y inclus notre propre nature. Qu’on le veuille ou non, il y a une dimension morale de l’écologie, qui consiste à aimer ce qui nous fait vivre et à détester ce qui nous fait mourir. Toute la Bible, la Loi et les Prophètes, c’est cela !

Pourquoi faut-il tant tenir à la nature ?

La création telle qu’elle se présente à nous est réglée par une loi homéostatique et on peut dire que la nature, c’est cela. Lorsqu’il y a un coup de chaleur par exemple, on constate que ce sont plutôt des fleurs claires qui poussent et qui repoussent la chaleur. Au contraire, dans le froid, on a plutôt une végétation sombre. C’est lorsque l’homme ne respecte pas cette autorégulation qu’apparaît le désert, que ce soit au Sahara ou au Negueb. C’est le professeur Louis Kervran, qui, à la fin des années 1950, a découvert cette propriété de la matière vivante, que sont les transmutations biologiques à faible dégagement d’énergie, à partir d’éléments naturels stables pour aboutir à d’autres éléments naturels. Il a observé par exemple que dans un sol où manque le calcium, on voit proliférer les ravenelles, qui en contiennent beaucoup et qui, en mourant le lui restituent. Il fait la même remarque à propos des prêles, qui apportent de la silice. Les plantes sont de véritables laboratoires, qui sont capables de transmuter certains éléments du sol en d’autres. Elles peuvent aussi apporter beaucoup à notre organisme. On peut dire qu’on touche du doigt le rêve des alchimistes, qui était de transformer le plomb en or : en ajoutant ou en retirant une particule à un atome, on change un corps. Les travaux du professeur Kervran n’ont pas encore été exploités selon leur véritable portée !

Vous croyez vraiment qu’il est question de cette régulation homéostatique dans la Bible ?

Non bien sûr, ce n’est pas à la Bible de nous parler de cela. Mais la Bible (comme d’ailleurs le livre iranien de l’Avesta) nous présente Adam, au commencement, sous les traits d’un jardinier. Son rôle est d’entretenir la création et Dieu le prévient que dans le jardin, il y a un fruit venimeux. Le Créateur le prévient qu’il ne faut pas le manger, mais lui ne veut pas l’écouter. Il croit que le Jardin, c’est sa chose à lui. Et du coup aujourd’hui, il ne nous reste plus que le souvenir de cet état bienheureux, alors que sur la terre en ce moment la ronce est plus fréquente que l’arbre à pain. Cette image d’Adam comme jardinier de l’univers est corroborée dans le Nouveau Testament. Lorsque le Christ apparaît après sa résurrection à la personne qui nous ressemble le plus, cette pécheresse de Marie-Madeleine, il lui apparaît sous les traits du jardinier. Il est le nouvel Adam, qui est là pour rédimer la création qu’Adam a perdue.

Vous voulez dire que nous devons nous aussi cultiver notre jardin ?

Je crois que c’est à partir de notre service de la nature que nous revenons au Créateur de la nature, pour lui rendre ce qu’il nous a donné. C’est le circuit de l’amour, qui est toujours la restitution du don. Rendre à Dieu ce qui nous a été donné par Dieu. Pour nos ancêtres, qui étaient des agriculteurs itinérants, le circuit de l’amour a pu commencer par la méditation d’une bouse de vache. On constate que la touffe d’herbe qui sort de la bouse de vache est plus vigoureuse que celle qui sort du sol. En rendant ce qu’on lui a donné, la vache contribue à l’amélioration du sol. Eh bien ! Nous aussi, il nous faut rendre tout ce que Dieu nous a donné et c’est lui qui va nous transmuter dans la résurrection. Regardez la résurrection du Christ : n’est-ce pas une transmutation atomique du corps physique du Christ en un corps de gloire ?


Alexis Arette en huit dates

Né en 1927. Part en Indochine en 1949 (blessé, légion d’honneur médaille militaire). 1953 : reprend la ferme de ses parents. 1957 : premier paysan de France, interviewé à ce titre par Jacques Chancel. 1967 : crée le festival de Siros, dédié à la chanson béarnaise. 1970 : vice-président de l’Académie de Béarn. 1984 : président de la Fédération Française de l’Agriculture. 1988 : conseiller régional d’Aquitaine.