jeudi 15 novembre 2007

Le scénario de l'espérance - Abbé Guillaume de Tanoüarn

Objections - n°11 - novembre 2007 - page 1

Le scénario de l'espérance - Abbé Guillaume de Tanoüarn

Nous en avons plusieurs témoignages oraux : le 11 septembre dernier le Conseil permanent de l'épiscopat français a commencé d'élaborer une ligne de conduite commune, face aux traditionalistes. L'événement est passé inaperçu. Sa signification risque bien pourtant d'être considérable. Au cours de cette réunion, chacun s'est répandu sur le peu de demandes suscité par le Motu proprio Summorum pontificum, dans lequel, le 7 juillet précédent, le pape Benoît XVI octroyait aux fidèles catholiques le libre choix du rite traditionnel. Voilà en tout cas ce que La Croix a retenu de ce débat mitré : il y a peu de demandes.

Le raisonnement des Eminences et des Excellences est simple : s'il y a peu de demandes, on peut y satisfaire. Avec les moyens du bord. Avec le peu de moyen, avec le petit nombre de prêtres en activité dans les diocèses. Pas question d'accepter des transfusions de sang neuf. Notre effectif, déjà réduit et faisant face aux regroupements paroissiaux (une paroisse pour cinq dix ou vingt clochers) est tout à fait en mesure de faire face à ces nouvelles demandes... puisqu'elles sont peu nombreuses.

Deux exemples tout récents de cette nouvelle attitude collective pourraient bien défrayer la chronique dans les jours à venir. L'évêque de Marseille, Mgr Pontier, a exigé que les fidèles attachés au rite traditionnel, qui, sous sa juridiction, avaient trouvé refuge dans l'église Notre Dame de la Palud, en plein Centre ville, quittent cette église (qui sera désormais fermée : une de plus !) et rejoignent l'église voisine de Saint-Charles. La messe traditionnelle y sera dite par des « prêtres de passage » (sic), en attendant les dimanches où forcément, il ne s'en trouvera pas... à passer. Cette solution a paru tellement énorme et si mal bricolée que les fidèles ont déjà obtenu un moratoire d'un mois pour sa mise en application.

Deuxième exemple : à Avignon, l'évêque Mgr Cattenoz, plus avisé et conscient qu'il ne dispose pas forcément chez lui de prêtres capables de célébrer la messe selon le rite traditionnel, vient d'annoncer la création d'un groupe de prêtres, anciens des Fraternités traditionalistes désormais incardinés, comme à Versailles ou à Lyon, ou encore prêtres diocésains souhaitant célébrer le rite traditionnel et qui l'apprendraient au sein de ce groupe. Le nom choisi par l'évêque est à lui seul tout un programme : Totus tuus. Pas question en effet de collaborer avec des prêtres qui ne seraient pas tout à soi, c'est bien l'esprit de la réunion du 11 septembre dernier.

C'est en effet le deuxième volet que comporte cette réunion. A la faveur du silence gardé par le pape Benoît XVI dans son Motu proprio sur les Communautés traditionalistes, il a été décidé qu'elles resteraient, les unes et les autres, le plus possible, privées de toute extension nouvelle. Face à d'éventuelles demandes, le slogan des évêques est simple : « On a les mêmes à la maison ».

Simple et pas vraiment nouveau. C'était déjà au nom d'un tel slogan que l'archevêque de Lyon, Mgr Barbarin avait unilatéralement dénoncé le contrat qui liait son diocèse à la Fraternité Saint Pierre, en incardinant lui-même trois prêtres dissidents de cette Fraternité et en leur donnant l'église que le cardinal Albert Decourtray avait naguère mise à la disposition de la Fraternité Saint Pierre. Ce coup de force épiscopal se justifiait suffisamment aux yeux du jeune et nouveau leader de la chrétienté lyonnaise par ce simple bénéfice : désormais ces prêtres traditionalistes sont tout à moi !

Ce que les évêques pris en corps n'ont pas compris, c'est que cette politique d'exclusion, manifestement concertée, est révoltante et contraire au sens commun. Lorsque le bateau coule, demande-t-on à ceux qui se présentent pour écoper s'ils font partie du personnel embauché au départ ? Et lorsque les Twin towers se sont effondrées, a-t-on demandé aux sauveteurs leur brevet de pompier du port de New York. C'était en 2001, mais c'était déjà... un 11 septembre.

Je suis persuadé qu'il existe un autre scénario que ce scénario catastrophe, celui que le Saint Père suggérait dans l'exhortation apostolique Sacramentum caritatis (n°25) : « Un travail de large sensibilisation est nécessaire. Les évêques impliqueront dans les nécessités pastorales les Instituts de vie consacrée et les nouvelles réalités ecclésiales dans le respect de leur charisme propre, et ils solliciteront tous les membres du clergé à une plus grande disponibilité pour servir l'Eglise là où il en est besoin, même au prix de sacrifices ». C'est à ce scénario d'espérance que nous devons tous travailler.

Abbé Guillaume de Tanoüarn

Les ordinations du 22 septembre - Abbé Paul Aulagnier

Objections - n°11 - novembre 2007 - page 2

Les ordinations du 22 septembre - Abbé Paul Aulagnier

À Saint-Éloi, siège de l’Institut de Bon Pasteur, à Bordeaux, cinq ordinations sacerdotales ont eu lieu.

Ce fut un grand jour. Un jour de fête, bien sûr. Un jour de joie pour les ordinants, pour leurs familles et amis, pour leurs supérieurs. Pensez ! Cinq diacres recevaient l’ordination sacerdotale des mains du cardinal Castrillon Hoyos, collaborateur très proche du Pape Benoît XVI, en présence du cardinal Ricard, archevêque de Bordeaux, président de la conférence épiscopale des évêques de France. Jour de joie aussi – et peut-être surtout – par les paroles prononcées par le cardinal dans son homélie. Il nous rappela, certes, les devoirs du prêtre: la prière, l’importance de l’offrande du sacrifice de la messe, comme sacrifice du Christ, la nécessité d’enseigner toutes les Nations dans la foi du Christ, gardée par l’Église, la dévotion mariale… Mais surtout, il nous rappela l’importance et la finalité de l’Institut du Bon Pasteur en termes qu’il faut souligner et ne pas oublier. À ce moment de son discours, il se tourna vers le cardinal Ricard pour rappeler son rôle dans la fondation du jeune Institut du Bon Pasteur (6 septembre 2006). Il dit : « c’est à sa bonté et à son sens pastoral que cet Institut du Bon Pasteur doit son existence. Il a bien vu, que, pour le service pastoral des fidèles catholiques liés à la Tradition liturgique antérieure, il faut des prêtres “spécialisés”. Notre Saint Père le Pape lui a donné raison en publiant, comme vous le savez, Summorum Pontificum » qui restaure dans sa dignité et son droit la messe tridentine, reconnaissant et affirmant qu’elle ne fut jamais abolie, reconnaissant qu’elle fut, de soi, et en droit toujours reconnue dans l’Église.

L’honneur est sauf ! Il poursuivit : « Si nous célébrons aujourd’hui la Sainte Messe selon ce Missel, c’est justement parce que les nouveaux prêtres seront appelés à ce service pastoral et nourrirons leur vie spirituelle comme celle des fidèles qui leur seront confiés, par cette vénérable liturgie romaine. Ils se consacreront volontiers à ce ministère ensemble avec leurs confrères et avec les prêtres, membres d’autres instituts spécialisés ».

Voilà enfin le rôle ecclésial de ces prêtres bien défini. L’expression spécialisés ne me plaît pas beaucoup…

J’aurais préféré entendre le mot, par exemple, spécifique, la charge spécifique, ou le rôle spécifique… Mais peu importe, le sens est le même. Et de toute façon, ces prêtres attachés à la liturgie « ancienne »sont enfin reconnus de droit. Leur ministère est enfin reconnu légitime dans l’Église. Ils sont et seront mis et devront être mis à la disposition de ces fidèles qui, eux-mêmes, veulent le maintien de cette liturgie pour en vivre, pour en nourrir leur vie spirituelle. Vous pouvez imaginer la joie que j’ai eu, que nous avons eu, nous les anciens, d’entendre ces paroles alors que, pendant 37 ans, nous avons vécu comme des « pestiférés » dans l’Église, ou comme des « lépreux »… si je me permets de reprendre une expression du cardinal Joseph Ratzinger. Ouf ! La guerre est finie. La paix liturgique va pouvoir enfin s’établir. Cette paix est de nouveau possible… Il suffit que les cœurs s’ouvrent à ce désir pontifical. Le cardinal Castrillon Hoyos est venu le dire et le redire en France pour nous et pour tous les autres. Il y faudra du temps, je pense. Mais plus rien, en droit, ne s’y oppose. Qu’on se le dise !

Ce fut dit à Bordeaux, le 22 septembre 2007, lors des ordinations sacerdotales, en l’église Saint-Éloi. Deo Gratias !

Et tout en écoutant ces paroles, je pensais dans mon cœur, en silence, aux paroles que Mgr Lefebvre prononcées le jour de son jubilé sacerdotal à la porte de Versailles, le 23 septembre 1979, il y a maintenant 26 ans: « Mon testament ! Je voudrais que ce soit l’écho du testament de Notre Seigneur : Novi et Aeterni Testamenti, c’est le prêtre qui récite ces paroles à la Consécration du Précieux Sang : “Hic est calix sanguinis mei, novi et aeterni testamenti”, l’héritage que Jésus-Christ nous a donné, c’est son Sacrifice, c’est son Sang, c’est sa Croix. Et cela est le ferment de toute la Civilisation chrétienne et de ce qui doit nous mener au Ciel. ».

C’est ainsi avec reconnaissance que nous, les anciens, nous entendions les paroles du Cardinal, nous rappelant l’intention du Pape: voir revivre sur les autels de la Chrétienté, la messe de « toujours », la Messe antique et vénérable.

Pour moi, la levée des peines canoniques, qui ont touché Mgr Lefebvre, n’est plus loin. Elle est pour demain. Le principe en est posé! Merci ! Très Saint Père.


« Si nous célébrons aujourd’hui la Sainte Messe selon ce Missel, c’est justement parce que les nouveaux prêtres seront appelés à ce service pastoral et nourrirons leur vie spirituelle comme celle des fidèles qui leur seront confiés, par cette vénérable liturgie romaine. Ils se consacreront volontiers à ce ministère ensemble avec leurs confrères et avec les prêtres, membres d’autres instituts spécialisés »
Cardinal Castrillon Hoyos,
Bordeaux, 22 septembre 2007


Ce même 22 septembre, à Toulon, Mgr Dominique Rey, évêque du diocèse, a célébré une messe pour ordonner prêtre Jean-Raphaël Dubrule, ancien grand clerc à Notre-Dame-des-Armées et membre d’un nouvel Institut de droit diocésain, les Missionaires de la Miséricorde, fondé par l’abbé Fabrice Loiseau, par ailleurs curé, en ville, de l’église Saint-François-de-Paule. Au cours de la même cérémonie Éloi Gillet faisait le grand pas : il était ordonné sous-diacre.

L’événement - Niafles en Mayenne : sur le front de la Messe

Objections n°11 - Novembre 2007 - page 3

L’événement - Niafles en Mayenne : sur le front de la Messe

L’église de la Roë, habituellement close, est comble ce dimanche 16 septembre pour la messe de saint Pie V. Dans l’après-midi, il y avait encore une cinquantaine de personnes pour le Salut du Saint Sacrement. En cette « fête de la Tradition», tout semblait être pour le mieux dans le meilleur des mondes. Mais les traditionalistes du sud de la Mayenne revenaient de loin. Depuis 1965, l’abbé Chéhère s’occupait de la paroisse Saint-Martin de Niafles. Le concile l’avait laissé de marbre, semble-t-il. Pourtant il ne célébrait pas selon le rite de saint Pie V, mais suivant « un rite hybride », comme me dit Matthieu, jeune paroissien de Niafles. Arrive l’abbé Loddé, de la FSSP. C’est la messe tradi dans toute sa pureté. Las… Le décès de l’abbé Chéhère, le 6 mars, devait tout remettre en cause.

« M. l’abbé Loddé assurera la messe le dimanche ici. Pendant ce temps une réflexion sera engagée, en vue d’une décision définitive. » déclare d’abord Mgr Maillard évêque de Laval. Le 23 mai, retour en arrière: « Niafles ne serait plus un lieu de rassemblement des fidèles traditionalistes… » . Et l’évêque de proposer en remplacement une messe dominicale à l’église des Cordeliers, à Laval. Mais Laval se situe à plus de 45 minutes de Niafles.

Dans la nuit du dimanche au lundi de Pentecôte, une poignée de fidèles, après avoir assisté à la dernière messe de l’abbé Loddé, décidèrent de “garder” l’église envers et contre tout. L’affaire prenait alors toute son ampleur. C’était la guerre. Au cri de « l’église est aux Niaflais », 200 personnes marchaient sur Saint-Martin de Niafles, maire socialiste en tête. Michel Montécot a des convictions religieuses très floues mais ce n’est pas la première fois qu’il s’immisce dans les affaires de la paroisse.

Ce qu’il faut appeler un siège a vu naître, contre la Tradition, un déferlement de haine. Montécot évoque une communauté essentiellement étrangère à Niafles, plus particulièrement durant les vacances. Des statistiques nous révèlent pourtant que seuls 20 % des fidèles sont extérieurs au doyenné de Saint-Clément de Craon.

Après que, par deux fois, la porte de la sacristie ait été défoncée par les manifestants, les gendarmes ont dû évacuer les “gardiens” de l’église. Et le maire, en guise de conclusion, a clôturé les abords de l’église.

Pour les traditionalistes, l’errance commence. Ils devront célébrer leur première messe de “déracinés” en forêt de Ballots, au pied de la statue de Notre- Dame de Pontmain. Pendant ce temps, une messe de Paul VI en français était dite dans l’église de Niafles. Une publication locale allait jusqu’à titrer : « La messe en français revient. » Des prêtres sont venus de Paris pour célébrer la messe derrière des églises fermées. Une centaine de personnes. Par tous les temps. Niafles était devenu un symbole. Celui de la défense des libertés de la tradition, celui de la résistance à l’intégrisme moderniste.

Y a-t-il eu pression de Marcel Nezan, le vicaire général ? Certains paroissiens disent avoir vu l’ecclésiastique lors de la manifestation organisée par le maire de Niafles. Mais Mgr Maillard, lui, n’est pas un intégriste du progressisme. Il joue les naïfs : « On pensait qu'avec le temps, les gens oublieraient cette messe! […] c'est le contraire, ce sont principalement des jeunes » souligne-t-il.

L’évêque a d’abord permis que la messe traditionnelle se célèbre en plein centre de Laval, dans l’église des Cordeliers. Ensuite, face à la pression des fidèles, il a ouvert au culte traditionnel deux églises proches de Niafles, celle de la Roë et celle de la Selle-Craonnaise. La détermination des fidèles a payé. Face à l’agression.

Gabriel Dubois

C’est à lire - Un évêque avoue…

Objections - n°11 - novembre 2007 - page 4

C’est à lire - Un évêque avoue… - Abbé G. de Tanoüarn

Il y a un malaise dans l'Église de France. Un malaise qui ne date pas d'hier. Les fidèles les plus introduits le ressentent sans pouvoir toujours définir ce qu'ils perçoivent. Et si l'un ou l'autre, sur ce registre, cherche à en remontrer à son curé ou à son évêque, il prend le risque de passer pour Gros Jean et de se faire traiter comme tel, ce qui à partir d'un certain âge n'est pas forcément très agréable, on en conviendra.

Mgr Maurice Gaidon a été un évêque en vue dans cette Église qui est en France. À la tête d'un petit diocèse, le diocèse de Cahors, 160000 habitants, il a joué un rôle capital dans l'introduction du Renouveau charismatique chez nous. Aujourd'hui, alors que l'âge de la retraite a sonné pour lui, il publie un petit livre (fort bien écrit ce qui ne gâte rien), où il entreprend avec courage son examen de conscience d'évêque, histoire, comme il le reconnaît lui-même, de se préparer au grand passage.

Il revient sur certains moments forts de son existence, avec beaucoup de sensibilité et une véritable piété. Il évoque les épreuves personnelles qu'il a traversées et toujours surmontées par le haut. Il propose enfin à l'attention de tous, quelques critiques fondamentales, qui devraient permettre, si elles étaient entendues, de sortir du malaise.

La liturgie d'abord: il ne s'agit pas seulement de contester des excès . « J'ai très mal vécu la réforme liturgique, imposée au détour d'un dimanche, avec un autoritarisme clérical insupportable. L'histoire de l'Église m'avait appris que l'on ne touche pas impunément aux rites et au langage symbolique. Le passage en force à la langue vernaculaire, la nouvelle disposition de l'autel, la place et le rôle du célébrant, la mise sur le marché de chants liturgiques composés à la hâte : que de bouleversements en peu de temps et quelles portes ouvertes aux improvisations des apprentis sorciers, sous l'oeil paterne et parfois complaisant d'un épiscopat atteint d'aphasie ».

La pastorale ensuite, avec son sinistre marquage idéologique, toujours d'actualité. « J'ai très mal vécu les orientations pastorales qui se sont imposées sous l'influence de courants qui, par générosité, ont donné abondamment dans l'idéologie régnante des années 60 et 70 ».

Ce que déplore Mgr Gaidon, c'est le conformisme de ses confrères : « Paralysie… ou manque de liberté d'expression de la foi ? D'où vient cette impression d'étrange torpeur que je ressens au contact de nos communautés désorientées, de nos prêtres désabusés, de mes frères évêques au silence peureux dans nos assemblées. Où est le courage des prophètes dont parlait, à Lourdes le cardinal Etchegaray ? ».

Je ne peux pas tout citer ici. Mais l'on voit bien qu'il s'agit d'une véritable bombe. Pour la première fois depuis 30 ans, en France, un évêque parle et dit tout haut ce que beaucoup s'interdisaient même de penser.

Abbé G. de Tanoüarn


Mgr Maurice Gaidon, Un évêque français entre crise et renouveau de l'Église, Éditions de l'Emmanuel 2007, 15 euros.

Facta sunt

Objections - n°11 - novembre 2007 - page 4 et 5

Facta sunt

  • Les imams de la Catho (voir p. 8) font couler beaucoup d'encre, et pas seulement chez les cathos. L'UOIF, faction majoritaire dans le Grand Conseil du Culte Musulman, a récemment pris position contre ce projet : « Nous ne sommes pas contre le principe de collaborer avec une université, mais il faut un cadre académique neutre » déclare leur porte-parole Ahmed Jaballah. Dans sa réponse à l'UOIF, Dalil Boubakeur, unique partenaire musulman sur ce projet, souligne que l'enseignement reçu à la Catho devrait permettre aux apprentis imams d'obtenir le statut d'étudiant, prestations sociales en prime.
  • Serge de Beketch est mort, après s'être longtemps battu contre le mal qui le rongeait, dans la nuit du 6 au 7 octobre. Directeur du Libre journal de la France courtoise, animateur d'une émission très écoutée le mercredi sur Radio Courtoisie, il nous laisse le souvenir d'une prodigieuse rhétorique, au service de toutes les causes qui lui paraissaient nobles, à commencer , pour lui, par celles qui étaient le plus difficile à défendre. Sa faculté d'indignation contre les pourris de tout pelage ne lui a pas permis de faire la carrière nationale que son talent aurait mérité. Ces saintes colères lui ont coûté trop cher sur la terre pour que Dieu ne les lui compte pas au Ciel.
    Nous prions pour lui.
  • Un parmi d'autres, Mgr Wattebled, évêque de Nîmes, déclare, au cours d'une rencontre avec ses prêtres, le vendredi 7 septembre: « Mieux vaut ne pas faire appel à des prêtres extérieurs au presbyterium diocésain », lorsqu'on se trouve devant une demande de célébration de la messe traditionnelle. Et il ajoute, histoire sans doute de montrer où penche son coeur: « Pour les services religieux, l'objet de la demande des familles porte souvent sur quelques chants latins plutôt que sur l'usage d'un missel. Les familles ou le groupe stable n'ont pas d'exigence à faire valoir en ce qui concerne la disposition du choeur ou les ornements ». Et de conclure à propos du motu proprio : « On regarde ceux qui se rapprocheront peut-être. Mais on oublie ceux que cela contribue à éloigner insensiblement par exemple les divorcés remariés, les protestants, pour qui il n'y a pas de motu proprio ».
  • Le piège que craint Mgr Wattebled dans cette affaire de motu proprio, il l'écrit dans ce compte rendu de réunion qu'il a signé, c'est celui que lui tend tous les jours France Telecom: « Attention, nous pouvons même nous faire piéger au téléphone. Peut-on réellement prendre une attitude différente selon qu'il s'agit d'un prêtre de la Fraternité Saint Pierre (en communion avec Rome) ou de la Fraternité Saint Pie X (lefebvriste) surtout dans le court délai et le lourd contexte de la préparation des funérailles. Dans la même église pourront être célébrés des funérailles avec messe tridentine et des funérailles pris en charge par des laïcs. Comment la population va-telle s'y retrouver? ». Pour être sûr de ne pas tomber dans le piège, et pour que la population du diocèse puisse s'y retrouver, autant envoyer les gens ailleurs : « Les personnes intéressés et motivées peuvent trouver des célébrations à l'extérieur du diocèse: Le Barroux, la chapelle des Pénitents à Avignon, Montpellier ». À chaque fois près de 100 km!
  • Le cardinal Barbarin, dans Le Progrès de Lyon, vante son aptitude personnelle au dialogue interreligieux : « Tous les ans, à Yom Kippour, je vais par exemple à la Synagogue. Quand j'étais vicaire, il y a trente ans dans la banlieue de Paris, j'y allais déjà avec mon livre de prière en hébreu et ma kippa. Nous n'avons pas d'équivalent dans la liturgie catholique ».
    On peut indiquer respectueusement au cardinal qu'une confession sacramentelle agissant ex opere operato vaut bien la fête juive du Grand Pardon.
  • Bon vent : Mgr Pontier, évêque de Marseille (voir p. 1), a déclaré aux fidèles qui venaient le voir pour tenter de s a u ver leur communauté traditionnel le de Notre-Dame-de-la-Palud, qu'il leur donnait pour aumônier l'abbé X « qui viendra quand il pourra ».
    Réponse d'un laïc : « Savez- vous qu'en faisant cela, vous prenez le risque de nous renvoyer tous à la Fraternité Saint Pie X – C'est devant Dieu que j'en prends le risque » a répondu l'évêque. S'il prend ce risque devant Dieu, autant mettre sa réponse au grand jour : devant les hommes.

C’est à voir - Arcimboldo ou les prodiges du baroque

Objections - n°11 - novembre 2007 - page 5

C’est à voir - Arcimboldo ou les prodiges du baroque

Giuseppe Arcimboldo (1527-1593), peintre milanais ayant exercé ses talents à Prague, à la Cour de l'empereur Rodolphe II, porte jusqu'au surréel le génie du XVIe siècle renaissant et baroque. Ses compositions d'allégories ou de portraits, peints à partir de motifs de fleurs, de fruits ou d'objets de to u tes sortes apparaissent d'abord comme des curiosités, curiosa, au sens où l'on a parlé jusqu'au XVIIIe siècle de “cabinets de curiosités”, c'est- à- dire de collections d'objets étranges ou surprenants.

Surprise, c'est en effet le premier sentiment qui étreint le visiteur face à ces tableaux. Caractéristique de cette attira n ce particulière qu'a su créer le peintre italien, cette exposition qui se tient à l'Orangerie du Palais du Luxembourg et qui attire d'habitude le Tout-Paris huppé (ou se croyant tel) a accueilli cette fois et dès les premiers jours beaucoup d'enfants, qui sont immédiatement sensibles aux prouesses picturales d'Arcimboldo. La rétrospective est brève puisque l'Orangerie ne comporte que quatre salles, mais le spectacle n'est pas décevant : là un bibliothécaire dont le portrait est entièrement réalisé avec des livres ; ailleurs l'homme de loi ou le paysan ; ici le cuisinier impérial, dont la tête, émergeant d'une sorte de fait-tout, apparaît comme dessinée et réalisée uniquement à partir des aliments que ce maître queux emblématique sait apprêter pour son Maître, volaille plumée ou cochon de lait. Peindre un cuisinier en croûte ou en sauce, quoi de plus burlesque? Mais aussi quoi de plus sérieux ? N'a-t-on pas trop vite fait de devenir sa fonction, de s'identifier à elle? N'est-on pas un peu responsable de son visage avec l'âge ? Pour manifester la virtuosité invraisemblable de l'artiste, ce portrait est réversible. Il est présenté, ainsi que deux autres oeuvres, au-dessus d'un miroir. On découvre, à l'envers, un portrait tout aussi crédible du même personnage, sortant cette fois du couvercle du fait-tout. Sensible à ces prodiges de peinture, l'empereur Rodolphe II n'a pas dédaigné de commander au peintre son propre portrait en Vertumne, c'est-à-dire en annonciateur du printemps de ses sujets.

La recette d'Arcimboldo n'a pas eu de continuateurs. Mais il ne faudrait pas voir dans ces tentatives de simples jeux de pinceaux. La composition principale du peintre, qui met en parallèle les quatre saisons et les quatre éléments de la Physique traditionnelle, l'eau, l'air, le feu et la terre, nous rappelle que pour un homme du XVIe siècle, l'ordre universel se représente en une multitude d'analogies. S'il existe un ordre du monde, on ne peut le saisir qu'à travers les ressemblances qui renvoient indéfiniment leur jeu de correspondances. « Les parfums les couleurs et les sons se répondent » disait Baudelaire, qui excellait à nous faire entendre la musique des mots chantant ces analogies. Arcimboldo, avec les moyens extraordinaires de son art, nous les met sous les yeux.

GT


Jusqu'au 13 janvier 2008. Musée du Luxembourg, 19 rue de Vaugirard - Paris VIe. Entrée 13,20. Gratuit pour les moins de 10 ans.

L’humeur - Reims a mille ans ! - Pierre Voisin

Objections - n°11 - novembre 2007 - page 6

L’humeur - Reims a mille ans ! - Pierre Voisin

Le 22 septembre 1996: à Reims, le pape Jean-Paul II commémore le 1500ème anniversaire du baptême de Clovis. Il lance aux Français un appel pressant : « Ce grand jubilé doit vous amener à dresser un vaste bilan de l’histoire spirituelle de "l'âme française". » Seize ans plus tard, le millénaire de la basilique Saint-Rémi, nous y invite à nouveau.

Voilà mille ans, en effet, que fut construite, à la place de l’ancienne abbatiale carolingienne où se trouvait déjà conservée la tombe de l'évêque Rémi, une imposante basilique, qui fut d'abord romane, puis gothique. Si « l’âme française », qu’évoquait le pape, n’est pas née à Reims – ou pas seulement –, elle y a trouvé les conditions matérielles de son développement sous le signe des lys, la fleur de Marie, quand tant d’autres royaumes choisissaient pour symboles des bêtes de proie. Dans la ville des sacres sont nées les images qui ont nourri au fil des siècles la mémoire collective de la nation française.

Première d'entre elles, celle du roi des Francs descendant dans le baptistère rémois avec trois mille de ses guerriers: « Courbe-toi, fier Sicambre… » Et le roitelet barbare courbe la tête devant le Dieu de Clotilde, ce Dieu des armées qui, quelques années auparavant, lui donna la victoire à Tolbiac.

Autre image, fixée au IXe siècle par l’évêque Hincmar, dans sa vie de saint Rémi: « Le chrême vint à manquer et, à cause de la foule du peuple, on ne pouvait aller en chercher. Alors, le saint prélat, levant les yeux et les mains au ciel, commença à prier en silence, et voici qu’une colombe, plus blanche que la neige, apporta dans son bec une petite ampoule pleine de saint chrême. » C’est ce Saint Chrême qui servira aux sacres de nos rois. Il est de bon ton, en notre époque de scepticisme, de douter du miracle au nom de la science historique. Pour nos pères, le symbole de la sainte ampoule avait assez de force pour qu’en 1793, le conventionnel Rühl jugeât prudent de la briser sur le socle de la statue de Louis XV…

C ’est dans le tombeau même de saint Rémi que la relique était conservée et qu’allaient la chercher les chevaliers de la sainte ampoule pour l’apporter de la basilique à la cathédrale, où le roi était sacré: ainsi procédèrent, le 17 juillet 1429, quatre compagnons de Jeanne d’Arc, au nombre desquels figurait Gilles de Rai. Nouvelle image: Jeanne, transfigurée de bonheur et tressaillant d’allégresse, assiste à l’onction de Charles VII. Elle tient levé son étendard, frappé de la devise Jhesus Maria. Désormais, les Anglais peuvent bien aller faire sacrer à Notre-Dame-de-Paris leur petit roi godon, avec la bénédiction des éminents clercs et prélats de l’Université de Paris : Charles est légitimé.

« C’est quand la nuit nous enveloppe, rappelait Jean-Paul II à Reims, que nous devons penser à l’aube qui poindra, que nous devons croire que l’Église chaque matin renaît par ses saints. "Qui l'a une fois compris disait Bernanos – est entré au coeur de la foi catholique, a senti tressaillir dans sa chair mortelle (…) une espérance surhumaine." » Ce passage cité par le pape était extrait de Jeanne, relapse et sainte. Et si Reims conservait les clés de notre avenir ?

Pierre Voisin

C’est eux qui le disent…

Objections n°11 - Novembre 2007 - page 6

C’est eux qui le disent…

  • À propos des cinq ordinations de l'Institut du Bon Pasteur, le curé de Paissac, le 22 septembre s'exprime sur TF1: « Ces ordinations signifient le retour à une Église que nous détestons, l'Église qui nous dit ce que l'on doit croire ». Jusqu'à plus ample informé, aucun blâme sur cette sortie, qui, c'est le moins que l'on puisse dire, va au fond des choses et donne raison aux critiques traditionalistes les plus virulentes.

  • Alain Finkielkraut donne son avis sans fard sur Bernard-Henry Lévy le très médiatique conseilleur de Ségolène Royal : « Sa pensée à la fois généreuse et vaine tente deconcilier deux traditions incompatibles : l'antitotalitarisme et l'antifascisme, la défense des dissidents et la dénonciation permanente de l'idéologie française. Or depuis 1945, l'antifascisme et son successeur l'antiracisme ont servi d'alibi d'abord au pouvoir communiste, mais ensuite à la gauche française. BHL a tendance à faire sien ce conte pour enfants d'une gauche vigilante et d'une droite complaisante. ». Pour reprendre le titre du dernier livre de BHL, il est clair que la gauche est aujourd'hui « ce grand cadavre à la renverse ». Idéologiquement en état de décomposition avancée.

  • De George Bush, vendredi 5 octobre sur la Chaîne Al Arabiya : « Avant tout, je crois en un Dieu tout-puissant et je crois que tout le monde, qu'il soit musulman, chrétien ou autre prie le même Dieu. Je crois que l'islam est une grande religion qui prêche la paix et je crois que les gens qui tuent des innocents pour atteindre des objectifs politiques ne sont pas des religieux. » Parole de président !

  • Le Spectacle du Monde propose en Une un titre retentissant : « Église catholique : le renouveau de la tradition ». Il s'agit évidemment du renouveau que l'Église catholique doit à sa tradition. Cela va sans dire et mieux en le disant.

L’entretien du mois - Père Alexandre Siniakov

Objections n°11 - Novembre 2007 - page 7

L’entretien du mois - Père Alexandre Siniakov

Le P. Alexandre Siniakov a été nommé par Alexis II patriarche de Moscou et par le Synode de l'Église russe secrétaire pour les relations avec les Églises et la société, auprès de l'archevêque Innocent de Chersonèse à Paris. Il répond à nos questions sur la signification de la visite du patriarche Alexis II à Notre-Dame de Paris le 3 octobre dernier.


Père Alexandre, qu'est-ce qui s'est passé à Notre-Dame de Paris le 3 octobre dernier ?

Par sa visite solennelle à Mgr André Vingt-Trois dans la cathédrale de Paris, le Patriarche a souhaité établir un contact entre deux Églises soeurs , l'Église orthodoxe russe et l'Église catholique en France. C'est la première fois qu'un Patriarche de Moscou fait ce geste. Il a souhaité d'abord vénérer la Couronne d'épines, qui est certainement la relique la plus insigne du monde chrétien. Il s'est également adressé aux catholiques et aux orthodoxes qui vivent en France. Aux catholiques, il a dit son désir de travailler avec eux, de témoigner avec eux (en particulier sur les sujets de société sur lesquels les orthodoxes ont la même position que les catholiques, pour simplifier tout ce qui concerne la lutte contre la culture de mort). Il a voulu selon ses propres paroles qu'il soit possible de proclamer l'Évangile avec les catholiques dans nos pays. Aux orthodoxes, il a rappelé la nécessité de l'unité dans la diversité. Auparavant Mgr Vingt-Trois, saluant le Patriarche dans un discours appelé à faire date dans l'histoire des relations entre les catholiques et les orthodoxes, a rappelé son attachement au développement des relations entre catholiques et orthodoxes. Il faut souligner que beaucoup de chaînes de télévision de l'Europe de l'Est ont retransmis tout ou partie de cette cérémonie hautement significative.

Cette visite marque un climat nouveau dans les relations entre les catholiques et les orthodoxes. Le Pontificat de Benoît XVI représente-t-il un tournant à cet égard ?

Jean-Paul II a accompli des gestes très importants mais il s'est trouvé devant des difficultés objectives de plusieurs ordres liées d'abord aux énormes changements de la situation des chrétiens orthodoxes en Russie. Il y a eu l'Église gréco-catholique en Ukraine qui a revendiqué un certain nombre de bâtiments, ce qui a engendré des conflits. Nous avons contesté également non pas tant la nomination d'un évêque catholique mais la création d'une Conférence épiscopale à Moscou en 2002. Nous sommes attachés en effet à l'apostolicité de nos Églises. C'est ainsi qu'à Paris l'évêque Innocent, qui s'occupe des orthodoxes rattachés au Patriarcat de Moscou, est titulaire de Chersonèse en Ukraine, cette ville qui a été comme le baptistère de la Russie. Enfin, il faut bien reconnaître que Jean-Paul II a payé les frais des relations très difficiles entre la Pologne et la Russie. Pendant des siècles pour nous, catholiques et Polonais ont été deux mots pratiquement synonymes. C'est sans doute cela d'abord qui a fait que Jean-Paul II n'a pas pu aller à Moscou malgré son désir.

Vous pensez que la visite du pape à Moscou est envisageable aujourd'hui ?

L'Église russe a conscience que la visite d'un pape ne peut pas être sans conséquences. Il ne s'agit pas seulement d'un événement médiatique plus ou moins réussi comme cela a été le cas naguère en Géorgie. Cela doit être l'aboutissement d'un processus profond, le signe fort d'une époque vraiment nouvelle et pour l'instant la situation ne semble pas entièrement mûre pour une telle visite. La volonté du Patriarche est qu'une telle rencontre puisse avoir lieu d'abord en terrain neutre après la publication d'un document commun portant et sur les problèmes doctrinaux et sur les problèmes de terrain que je viens d'évoquer. C'est ainsi que cette semaine, une Commission mixte catholique orthodoxe se réunit à Ravenne pour poser le problème essentiel des rapports entre Primauté et conciliarité. Nous sommes vraiment au coeur du sujet !

Vous définiriez-vous comme quelqu'un qui souhaite poursuivre l'oecuménisme sous toutes ses formes ?

Je crois que l'oecuménisme n'est vraiment possible qu'entre orthodoxes et catholiques. Avec les protestants, c'est beaucoup plus difficile, il y a un nombre de questions beaucoup plus grand à traiter et à résoudre. La première question pour un chrétien me semble-t-il, c'est la notion de l'Église et de la succession apostolique. Les catholiques et les orthodoxes reconnaissent ces deux dimensions de la foi. Pas les protestants. Je dirai que l'intérêt des catholiques pour leur propre tradition est perçu comme un signe positif dans le monde orthodoxe. Plus un catholique est catholique, plus il a de chance de s'entendre avec un orthodoxe. La grande Tradition latine du Premier Millénaire est le gage de la réconciliation. À prendre les mots dans leur sens le plus théologique, on peut dire qu'un orthodoxe vraiment orthodoxe se sent catholique, comme un catholique vraiment catholique se sent orthodoxe. Il me semble à ce sujet que le confessionnalisme est un fléau du monde contemporain, qui va de pair avec le relativisme. Le Conseil OEcuménique des Églises a récemment tancé Rome, en soulignant que selon eux « aucune Église ne peut prétendre posséder la plénitude de la catholicité et que chacune y participe à sa mesure ». Ces termes sont inacceptables pour les orthodoxes, qui estiment avoir la plénitude de la catholicité et qui attendent des catholiques qu'ils aient la même conception pour eux-mêmes. Notre adversaire commun est le relativisme.

Propos recueillis par l'abbé G. de Tanoüarn


Le P. Alexandre Siniakov en cinq dates

Né en 1981. Entre au monastère de Kostroma en 1996. Arrive en France en 1998, encore novice ; il est accueilli au Couvent des dominicains de Toulouse. Ordonné prêtre en novembre 2004. Nommé secrétaire en juillet 2006, il achève une thèse à l'École des Hautes Études sur Le recours à l'autorité de Grégoire de Nazianze dans les controverses christologiques.

Les paradoxes de la laïcité - Editorial - Laurent Lineuil

Objections - n°11 - novembre 2007 - page 8

Les paradoxes de la laïcité - Editorial - Laurent Lineuil

Le 24 septembre, on apprenait que l’Institut catholique de Paris, la fameuse « Catho » dont le chancelier est l’archevêque de Paris, Mgr Vingt-Trois, allait former des imams. Quoi donc, me direz-vous ? l’Église de France va-t-elle désormais assurer la formation théologique du clergé musulman? Vous n’y êtes pas : « Il s’agit, précise le maître d’œuvre de cette future formation, d’une formation sécularisante : nous n’aborderons pas de problématiques théologiques. » Au programme: un pôle culture générale (histoire de la modernité, des valeurs républicaines, des institutions françaises…), un pôle juridique (droits des religions, droits de l’homme…), un pôle d’ « ouverture au monde religieux » (sic)…

Dans le même temps que l’Église "qui est en France" s’occupait d’enseigner la modernité républicaine aux futurs prosélytes musulmans, la conférence des évêques de France, sous la signature de Mgr de Berranger (Saint-Denis) et Mgr Schockert (Belfort-Montbéliard), publiait le 1er octobre un communiqué sur le projet de loi sur l’immigration qui éclaire sur la lecture que nos évêques font des valeurs républicaines : « Les chrétiens,écrivent-ils, refusent par principe de choisir entre bons et mauvais migrants, entre clandestins et réguliers, entre citoyens pourvus de papiers, et d'autres sans papier. » Sans doute faut-il donc s’attendre à ce que la Catho enseigne aux futurs imams que le respect de la loi est un concept méprisable, la citoyenneté une fiction rétrograde et la France, un droit de l’homme…

La langue de buis de la collégialité

Pendant que nos évêques jouent la conscience "morale" de la République, il en est d’autres, Dieu merci, qui s’occupent de défendre les intérêts de l’Église. Une éminence déclarait ainsi, dans Le Monde du 16 septembre: « Certaines communes entreprennent aujourd’hui la destruction de leurs églises. La disparition de ces lieux spirituels ne devrait pas être possible, sauf procédure d’exception. Ce patrimoine culturel, même non protégé, même banal, doit être respecté. » Enfin un prélat courageux, me direz-vous, qui, après des mois de silence, s’élève contre le saccage du patrimoine religieux français ! Sans doute quelque évêque de combat, décidé à rompre avec la langue de buis de la collégialité ? Une fois de plus, vous n’y êtes pas, mais pas du tout ! Ce vaillant défenseur de nos églises, ce croisé (c’est lui-même qui emploie le mot) de la défense de notre patrimoine spirituel n’est autre… que le mirobolant Jack Lang.

Des évêques qui se muent en professeurs de laïcité, un ancien ministre socialiste qui est le seul à ramasser le drapeau du patrimoine religieux français : on a beau être habitué à marcher sur la tête, on n’en hésite pas moins entre l’hilarité et la consternation. On a beau être accoutumé à voir nos évêques se fourvoyer dans une conception fallacieuse de la laïcité – celle précisément que dénonce inlass ablement Benoît XVI sous le nom de laïcisme –, qui leur interdit de prendre toute position qui pourrait heurter les consciences modernes et faire douter de leur loyauté républicaine, et les ravale à un rôle d’experts en humanité, la pilule n’en reste pas moins rude à avaler. Et on rêve qu’un évêque français, en exercice celui-là, reprenne à son compte la charge tardive de Mgr Maurice Gaidon, ancien évêque de Cahors, contre l’affadissement de la parole épiscopale, dans ses récents Mémoires. Un évêque français entre crise et renouveau de l’Église: « J’ai l’impression d’avoir vécu ces années comme un lente dérive, au gré des modes et des langages convenus dans notre univers clérical et de me retrouver, à l’heure de mon ultime étape, dans un douloureux désarroi, envahi par le sentiment d’avoir subi passivement les prises de position et les décisions de mes frères en épiscopat et suivi avec eux la pente des compromis plutôt que d’user du langage rugueux et prophétique des témoins et annonciateurs d’une Parole qui est "un glaive". »

Réveillez-vous, Messeigneurs : il est plus que temps.

Laurent Lineuil